30 MARS 2021

Le Catalogue Goering - Chasseur d'œuvres d'art

Dans "Le catalogue Goering", Laurence Thiriat décrypte l’entreprise de spoliation des collections d’art par les nazis et donne la parole aux descendants des victimes. Parmi eux, Simon Goodman, en quête d’un trésor de famille disparu.

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Qui étaient vos grands-parents et dans quelles conditions leur collection a-t-elle été pillée ?

Simon Goodman : Mon grand-père était un banquier juif hollandais d’origine allemande. Il possédait une collection réputée d’objets d’art et de toiles de peintres italiens et allemands de la Renaissance, d’artistes hollandais du Siècle d’or. En 1943, mes grands-parents espéraient un visa pour l’Italie en échange de certaines de ces œuvres. Mais ils furent déportés au camp de Theresienstadt. Mon grand-père y fut torturé et assassiné car il refusait de céder la totalité de sa collection. Ma grand-mère fut transférée à Auschwitz où elle fut également tuée. Leur collection entière fut pillée.

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de partir à sa recherche ?

Simon Goodman : Après la mort de mon père, en 1994, mon frère et moi avons découvert qu’il avait passé une grande partie de sa vie à enquêter sur cette collection. J’ai étudié les catalogues et les documents qu’il avait réunis, ainsi que les lettres que Rose Valland, conservatrice au musée du Jeu de Paume pendant l’Occupation, en charge des œuvres spoliées après la guerre, lui avait envoyées pour l’aider. J’ai alors compris que la majorité de la collection n’avait jamais été retrouvée. Je devais à mon père de poursuivre ses recherches. En 1995, j’ai identifié un tableau d’Edgar Degas appartenant à mon grand-père dans une collection privée. J’ai alors intenté le premier procès jamais tenu aux États-Unis sur les œuvres spoliées par les nazis. Ma famille a obtenu un compromis avec le collectionneur, selon lequel on partagerait la valeur du tableau, qui ensuite a été acquis par l’Institut d’art de Chicago.

 

En quoi l’exhumation, en 2015, dans les Archives diplomatiques françaises d’un catalogue constitué par Hermann Goering vous a-t-elle aidé ?

Simon Goodman : Je continue à traquer des indices dans ce document. Mais, dans l’ensemble, il contient la preuve que Hitler a dérobé à ma famille les peintures, et Goering les objets d’art en or et en argent. Il demeure néanmoins difficile de savoir combien de pièces ont été volées.

 

Quel bilan tirez-vous de vos recherches ?

Simon Goodman : La résistance à la restitution continue à ce jour. Même si je suis parvenu à reconstituer les deux tiers de la collection, la liste des tableaux et objets manquants ne cesse de s’accroître. L’année dernière, j’ai retrouvé un portrait signé Lucas Cranach l’Ancien, et, comme à chaque découverte, j’ai eu la sensation de me reconnecter à une famille que je n’ai pas connue. J’ai aussi le sentiment que justice est rendue. Derniers “prisonniers de guerre”, ces œuvres doivent être libérées.

 

Propos recueillis par Laure Naimski