03 JUIN 2017

Libération - Didier Péron: Tout est pardonné

"... Les silences et les blancs laissés tels quels dans le cheminement d'un récit qui a la même élégance lacunaire qu'un livre de Stifter ou de Modiano. La fragilité des individus, leur désir de liberté et les erreurs qu'ils commettent au nom de ce désir, le sentiment du temps perdu et le bricolage hédoniste que cette perte entraîne vaille que vaille, la cinéaste affleure ses thèmes sans les imposer, plutôt comme Victor, l'air de rien, en douce. Si l'on cherche des filiations à Mia Hanson-Løve, critique aux Cahiers du cinéma, il faut regarder du côté de Philippe Garrel et Jean Eustache. L'impression d'un flottement au coeur des dialogues avec ce léger décalage dans la voix comme si les phrases allaient s'inscrire devant leur bouche tels les phylactères des enluminures est une marque de fabrique eustachienne dans sa peinture du désenchantement post-68, la Maman et la Putain. L'époque des seventies est remplacée par un présent qui ici paraît antidaté, encore trempé des suées froides de la révolte, toujours fidèle à l'idéal d'une existence affranchie (...) La dernière partie tournée dans le Limousin ouvre le film sur des paysages d'été, d'une opulence et d'un calme absolu. L'élégance de la mise en scène, le choix des cadrages, des couleurs deviennent plus évidents encore. Et le film, dédié à la mémoire d'Humbert Balsan, se clôt sur quelques vers du romantique allemand Joseph von Eichendorff : «Ce qui décline aujourd'hui, fatigué/Se lèvera demain dans une renaissance/Bien des choses restent perdues dans la nuit/Prends garde, reste alerte et plein d'entrain !»

"... Les silences et les blancs laissés tels quels dans le cheminement d'un récit qui a la même élégance lacunaire qu'un livre de Stifter ou de Modiano. La fragilité des individus, leur désir de liberté et les erreurs qu'ils commettent au nom de ce désir, le sentiment du temps perdu et le bricolage hédoniste que cette perte entraîne vaille que vaille, la cinéaste affleure ses thèmes sans les imposer, plutôt comme Victor, l'air de rien, en douce.

Si l'on cherche des filiations à Mia Hanson-Løve, critique aux Cahiers du cinéma, il faut regarder du côté de Philippe Garrel et Jean Eustache. L'impression d'un flottement au coeur des dialogues avec ce léger décalage dans la voix comme si les phrases allaient s'inscrire devant leur bouche tels les phylactères des enluminures est une marque de fabrique eustachienne dans sa peinture du désenchantement post-68, la Maman et la Putain. L'époque des seventies est remplacée par un présent qui ici paraît antidaté, encore trempé des suées froides de la révolte, toujours fidèle à l'idéal d'une existence affranchie (...)  La dernière partie tournée dans le Limousin ouvre le film sur des paysages d'été, d'une opulence et d'un calme absolu. L'élégance de la mise en scène, le choix des cadrages, des couleurs deviennent plus évidents encore. Et le film, dédié à la mémoire d'Humbert Balsan, se clôt sur quelques vers du romantique allemand Joseph von Eichendorff : «Ce qui décline aujourd'hui, fatigué/Se lèvera demain dans une renaissance/Bien des choses restent perdues dans la nuit/Prends garde, reste alerte et plein d'entrain !»