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18 DÉCEMBRE 2019

Libération - Louis Skorecki: La Collectionneuse

" La vivacité du cinéma d'Eric Rohmer, sa transparence têtue, son classicisme documentaire (et même son côté vieillot) font de lui le mètre étalon du cinéma français, celui à qui tout ce qui se fait de neuf se réfère, le modèle avec lequel on aime se mesurer, se comparer, à l'image de Woody Allen dans le cinéma américain. Le moins « rohmérien », dans tout cela, c'est encore Rohmer lui-même, insaisissable dans sa fidélité à lui-même, toujours aussi énervant mais toujours aussi imprévisible. La Collectionneuse, par exemple, si l'on s'en tient à son scénario (une fille, deux mecs, la sensualité de l'entre-deux, une sorte de suspense sentimental minimal), aurait pu être signée Truffaut, Vadim, Benazeraf, Godard, Chabrol, Demy ou Rozier, mais au bout de trois minutes tout le monde sait que c'est du Rohmer. Comme dans tout film de maître qui se respecte, l'histoire ne se lit pas à travers les quelques lignes romanesques qui lui servent de prétexte (le scénario), mais par le biais de la seule mise en scène. Dans La Collectionneuse, ce sont les postures des trois personnages principaux, ce relâchement de tout le corps à mi-chemin entre méditation méditerranéenne et devenir végétatif, entre subtilité et lourdeur, entre intelligence et crétinerie, qui donne à l'histoire en perpétuel devenir ses allures louches si curieusement érotisées. Haydée Politoff, à la fois bimbo bandante et boudin dodu, s'offre avec nonchalance à la concupiscence de Daniel Pommereulle (dans son propre rôle d'artiste mondain) et de Patrick Bauchau, pas encore recyclé en méchant de cinéma (face à James Bond) ou de télévision (face au Caméléon). A propos de télévision, La Collectionneuse peut aussi se voir comme une version prémonitoire de Sous le soleil, le feuilleton sentimental tropézien de TF1 (...), concurrent sublimement imbécile des meilleures productions AB, dont Rohmer se contenterait de filmer, en le ralentissant à l'extrême, un détail particulièrement insignifiant. Mais n'est-ce pas là l'une des définitions possibles de l'art moderne ?"

" La vivacité du cinéma d'Eric Rohmer, sa transparence têtue, son classicisme documentaire (et même son côté vieillot) font de lui le mètre étalon du cinéma français, celui à qui tout ce qui se fait de neuf se réfère, le modèle avec lequel on aime se mesurer, se comparer, à l'image de Woody Allen dans le cinéma américain. Le moins « rohmérien », dans tout cela, c'est encore Rohmer lui-même, insaisissable dans sa fidélité à lui-même, toujours aussi énervant mais toujours aussi imprévisible.

La Collectionneuse, par exemple, si l'on s'en tient à son scénario (une fille, deux mecs, la sensualité de l'entre-deux, une sorte de suspense sentimental minimal), aurait pu être signée Truffaut, Vadim, Benazeraf, Godard, Chabrol, Demy ou Rozier, mais au bout de trois minutes tout le monde sait que c'est du Rohmer. Comme dans tout film de maître qui se respecte, l'histoire ne se lit pas à travers les quelques lignes romanesques qui lui servent de prétexte (le scénario), mais par le biais de la seule mise en scène. Dans La Collectionneuse, ce sont les postures des trois personnages principaux, ce relâchement de tout le corps à mi-chemin entre méditation méditerranéenne et devenir végétatif, entre subtilité et lourdeur, entre intelligence et crétinerie, qui donne à l'histoire en perpétuel devenir ses allures louches si curieusement érotisées. Haydée Politoff, à la fois bimbo bandante et boudin dodu, s'offre avec nonchalance à la concupiscence de Daniel Pommereulle (dans son propre rôle d'artiste mondain) et de Patrick Bauchau, pas encore recyclé en méchant de cinéma (face à James Bond) ou de télévision (face au Caméléon).

A propos de télévision, La Collectionneuse peut aussi se voir comme une version prémonitoire de Sous le soleil, le feuilleton sentimental tropézien de TF1 (...), concurrent sublimement imbécile des meilleures productions AB, dont Rohmer se contenterait de filmer, en le ralentissant à l'extrême, un détail particulièrement insignifiant. Mais n'est-ce pas là l'une des définitions possibles de l'art moderne ?"