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04 JANVIER 2022

Muhammad Ali - “Pour lui-même et pour tous les autres”

Ken Burns, sa fille Sarah et David McMahon ont mis plusieurs années à coréaliser cette riche biographie de Mohamed Ali, à partir d’un énorme fonds d’archives publiques et privées et de dizaines de témoignages. À deux voix, ils évoquent quelques-unes des facettes de “leur” Ali.

Media

Dans la lumière

Ken Burns : Il existe des douzaines de documentaires, dont quelques-uns excellents, sur Mohamed Ali. Pourtant, selon nous, aucun n’avait jusque-là embrassé tous les aspects fondamentaux de sa vie. Ce qui nous a poussés à réaliser cette série, c’est avant tout le fait que, pour nous, il n’est pas seulement le plus grand athlète du XXe siècle, mais la personnalité américaine la plus captivante de son temps. Nous voulions comprendre son cheminement d’être humain dans toutes ses dimensions : sportive, politique, spirituelle, affective... 

Sarah Burns : Cet homme constamment sous le regard des objectifs, que nous avons regardé vivre au fil des plus de cinq cents heures d’archives vidéo et 15000 photos rassemblées pour la série, est-il l’authentique Mohamed Ali, ou l’image qu’il souhaitait donner ? Nous avons compris peu à peu que la représentation, le jeu font intrinsèquement partie de lui. C’est un showman né. On le voit quand il fait l’acteur, enfant. Il a toujours voulu se trouver au centre de l’attention et cela a modelé une grande part de ses choix. 

 

En liberté 

Ken Burns : Nous rappelons aussi combien il a été haï à une certaine époque. Une grande part de l’Amérique blanche a jugé intolérable sa célébration de l’identité noire, son refus de partir au Viêtnam, et même sa capacité à mettre les médias de son côté. Il ne s’est jamais conformé, même à ses débuts, à la soumission alors attendue d’un athlète noir. Quand Mohamed Ali proclame tranquillement son indépendance et son droit absolu à faire ses propres choix, c’est pour lui-même, bien sûr, et en même temps pour tous les autres : c’est l’une des clés de sa personnalité. Dans les années 1960, cette liberté constitue en soi une provocation. Elle a fait de lui l’un des catalyseurs d’un combat qui constitue l’un des principaux moteurs de l’histoire américaine : celui des Afro-Américains pour obtenir la liberté qui leur était déniée, et qui, dans une certaine mesure, l’est toujours, dans un pays qui place pourtant cette liberté au-dessus de tout.

 

Par amour 

Ken Burns : Il s’est montré parfois irréfléchi et cruel, comme envers Joe Frazier, ce qu’il a regretté par la suite. Mais en racontant ce qu’on peut appeler son voyage spirituel, nous avons été confrontés à des questions existentielles auxquelles on préfère souvent éviter de répondre : qu’est-ce que le courage, la liberté ? Pourquoi met-on sa vie en jeu ?

Sarah Burns : J’ai découvert son aptitude à toucher autrui et à se laisser toucher en retour. Son côté fanfaron, cette façon de clamer toujours qu’il est le meilleur, le plus beau, avec ce que cela implique de narcissisme, ont pu éclipser la générosité hors du commun avec laquelle il se donnait aux autres. Spontanément, il se dépouille un jour de son manteau neuf, une autre fois de tout l’argent qu’il a en poche, parce que quelqu’un en a besoin. Surtout, il savait voir les gens et les aimer, et ils le lui ont rendu dans le monde entier. Propos recueillis par Laura Jung

 

Retrouvez les épisodes de la série en cliquant ici.