10 JUIN 2022

Red Light - Entretien avec Carice van Houten, cocréatrice et comédienne

Révélée par "Black Book" de Paul Verhoeven en 2006, célèbre pour avoir incarné la mystérieuse Melisandre dans "Game of Thrones", Carice van Houten, à la fois actrice habitée par son rôle et cocréatrice de Red Light avec Halina Reijn, explique pourquoi la série a été construite autour de la prostitution.

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Qu’avez-vous cherché à exprimer à travers cette histoire et ce rôle de Sylvia, prostituée et maquerelle en même temps ?

Carice van Houten : Halina Reijn, avec qui nous avons développé l’idée originale de la série, m’a convaincue que le quartier rouge, tel qu’il fonctionne à Anvers ou à Amsterdam, constituait un décor formidable pour explorer les dynamiques de pouvoir et de sexe, mais aussi de maternité, et peindre ainsi des personnages de femmes dans toute leur complexité. On ne compte plus les films ou les séries sur le trafic des êtres humains et les travailleuses du sexe, mais ils restent trop peu racontés d’un point de vue féminin. Notre volonté était vraiment de dépouiller ce thème de tout romantisme déplacé. Ce monde n’est pas un film de Walt Disney.

 

Votre position de créatrice a-t-elle influencé votre travail d’actrice ?

Carice van Houten : J’ai toujours ressenti une responsabilité forte en tant qu’actrice, mais me retrouver également en charge de la création concrète de la série a encore intensifié ce sentiment. J’ai adoré me sentir prise au sérieux autant comme interprète que comme coproductrice et coscénariste, d’être capable d’inventer une histoire et de créer des emplois pour la raconter.

 

Comment avez-vous abordé la préparation de ce personnage ambivalent, à la fois vulnérable et d’une grande dureté apparente ?

Carice van Houten : J’ai commencé par parler avec beaucoup de prostituées, car je me sentais tenue de leur rendre justice, à elles et à leur milieu, en faisant de Sylvia un personnage multidimensionnel plutôt que de la réduire à une victime. En tant qu’outsider, il était facile d’interpréter ce monde à la lumière de ses préjugés. Toutes nos recherches m’ont permis de comprendre qu’il était infiniment plus ambigu que ce que j’avais imaginé.

 

La série raconte-t-elle d’abord la difficulté d’être femme dans un monde d’hommes ?

Carice van Houten : Nous vivons dans une société patriarcale qui modèle autant les femmes que les hommes. Nous sommes tous concernés. C’est pourquoi nous voulions mettre en scène des femmes capables de se libérer des cases dans lesquelles elles sont enfermées et des attentes que l’on projette sur elles. Rien n’est jamais noir et blanc ; et parfois, les frontières entre victimes et bourreaux deviennent floues. Nous avons cherché à explorer les zones grises de cet univers et de l’histoire qu’il nous a inspirée.

 

Propos recueillis par Augustin Faure