18 AOÛT 2020

Willy Ronis, génie de l’instant

Coup de projecteur sur trois clichés iconiques de Willy Ronis, grande figure de la photographie humaniste, auquel le réalisateur Vladimir Vasak consacre un beau portrait.

Media

 

“Rose Zehner” 25 mars 1938.

Alors que les acquis du Front populaire sont menacés, 150 000 ouvriers de l’automobile se mettent en grève. Jeune photoreporter indépendant, Willy Ronis couvre l’événement pour le magazine Regards. Entré aux usines parisiennes Citroën de Javel grâce à la CGT, le photographe surprend une syndicaliste en plein discours dans l’atelier de sellerie. Bras tendu, Rose Zehner harangue ses camarades ouvrières. Dans la foule, Ronis immortalise la scène. Trop sombre, l’image nécessite d’être tirée sur un papier “super contraste”. Faute de temps, le cliché n’est pas publié. Retrouvée à l’occasion de la parution de son livre "Sur le fil du hasard" en 1980, cette photographie est devenue un symbole des luttes sociales, que cet artiste engagé a chroniquées sans relâche.

 

 

“Le nu provençal” Été 1949.

Comme sortie d’une toile impressionniste, la silhouette d’une femme nue, caressée par la lumière chaude d’un après-midi ensoleillé, apparaît. En vacances à Gordes dans la maison qu’il restaure, Ronis prend en photo sa femme Marie-Anne, tout juste réveillée de sa sieste. Cette image pure, simple, pleine de poésie, révèle le talent du photographe pour capter l’émotion d’une scène de vie intime. Emblématique de son œuvre d’après-guerre, "Le nu provençal" témoigne d’une liberté retrouvée dans le sud de la France, où il s’était exilé en juin 1941. Contraint de quitter Paris pour ne pas porter l’étoile jaune, Willy Ronis avait rejoint, à Tourrettes-sur-Loup, une bande d’amis réunis autour de Jacques Prévert, en préparation des "Enfants du paradis".

 

 

“Le Café de France” L’Isle-sur-la-Sorgue, août 1979.

Une femme émerge d’un café à la devanture ancienne. Sur la terrasse, les clients attablés discutent, rient, pendant qu’une passante les balaie furtivement du regard. Une scène de vie quotidienne prise sur le vif, un matin. Alors qu’une camionnette stationne en face du Café de France, l’artiste grimpe sur le marchepied du véhicule et attend qu’un personnage surgisse du cadre. Frontale, cette image illustre la force des compositions du photographe, qui aime placer l’humain au cœur de son travail. Ses clichés sont comme des récits qu’il construit sur un temps court. Un “exercice d’insécurité” qui lui aura procuré “une jouissance immense” tout au long de sa carrière.