Raoul Ruiz

Réalisation - Scénario

Biographie

Il aime les fantômes, les livres, les appareils d'optique, la magie, la météo, les fables, la série B... Il fait des films en "mélangeant les mondes" et en chevauchant les temps...

Son premier long-métrage achevé, dans son Chili natal, adaptait un roman fameux, Trois tristes tigres (1968). Depuis, il ne se passe pas une année sans qu'il tourne plusieurs films quoi qu'il arrive, sans qu'il ne relève un défi insensé (Proust au cinéma : essai transformé !, avec Le Temps retrouvé), sans qu'il n'entraine un acteur tout à fait connu dans des zones tout à fait inconnues : Cluzet en aviateur (Le Domaine perdu), Huppert en fantasme de mère (Comédie de l'innocence), Giraudeau en fou criminel (Ce jour-là)... mais aussi Mastroianni (3 vies et une seule mort), Deneuve (Généalogies d'un crime), Malkovich (Klimt) ou Laetitia Casta (Les Ames fortes)...

Né en 1941, Ruiz a quitté le Chili après le coup d’État fasciste et la fin d’Allende en 1973. Dans tous ses films (certains sont explicites, comme Dialogues d'exilés) on retrouve le même sentiment de perdition et de réappropriation d'un monde par les moyens les plus divers, et même les plus saugrenus. Les vivants y apparaissent souvent comme des des fantômes/fantasmes errant entre plusieurs frontières, dont celles de la "folie". L'univers y est soudain illimité, multiple, et emboitant les niveaux de perception comme des poupées russes.

C'est surtout l'humour (tendance surréaliste) et la poésie (comme mère des sciences) qui donnent toute l'énergie aux meilleurs films du cinéaste. Les titres de certains pourraient presque suffire à se "projeter" hors du quotidien sans besoin même d'une salle obscure ou d'un écran : Mémoire des apparences, La Chouette aveugle, Combat d'amour en songe, La Ville des pirates, L'Eveillé du pont de l'Alma, Vertige de la page blanche...

La prolifération est la marque de Ruiz qui a écrit plus d’une centaine de pièces de théâtre et réalisé presque autant de films. Véritablement lancé en France dix ans après ses débuts, avec Les 3 couronnes du matelot, il est un virtuose qui revendique un certain amateurisme, presque par goût de la malice. Ne jamais être où on l'attend, tel est Ruiz. Si on le rapproche de Greenaway, Ruiz répond que celui ci est plus japonais, et lui plus chinois. Si on le croit travaillant en France, on s'aperçoit qu'il vit en Grande Bretagne et tourne au Portugal. Nulle et part et partout.

Ruiz est l'auteur d'une oeuvre déconcertante, souvent. Intrigante, toujours. Inépuisable et labyrinthique, forcément. On y traite avec désinvolture ce qui préoccupe le plus sérieusement les hommes, mais il n'est pas de cinéaste plus rigoureux et passionné par le divertissement : la beauté des contes, des fables, des tours de magie, des jeux... Ceux qui aiment les extrêmes et la douceur de l'inconfort seront aux anges en découvrant ses drôles de films.

Philippe Piazzo