Emma et Anaïs sont inséparables et pourtant, tout les oppose. Adolescentes suit leur parcours depuis leur 13 ans jusqu’à leur majorité, cinq ans de vie où se bousculent les transformations et les premières fois. A leur 18 ans, on se demande alors quelles femmes sont-elles devenues et où en est leur amitié. A travers cette chronique de la jeunesse, le film dresse aussi le portrait de la France de ces cinq dernières années. Prix Zonta de la Semaine de la Critique au festival de Locarno en 2019. #BONUS - Restez jusqu'au bout ! Le film est suivi d'un entretien avec Sébastien Lifshitz et de scènes coupées.
Réalisation : Sébastien Lifshitz
Scénario : Sébastien Lifshitz
Producteur : Muriel Meynard
Directeur de la photo : Antoine Parouty
Directeur de la photo : Paul Guilhaume
Montage : Tina Baz Le Gal
Son : Yolande Decarsin
Son : Clément Laforce
Musique originale : Tindersticks
- Date de sortie en salles : 09 septembre 2020
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Français
- Date de production : 2019
- Pays de production : France
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Critiques (4)
- Trois couleurs - Laura Pertuy: Adolescentes"Fraîchement arrivées en quatrième, Emma et Anaïs regardent, un brin anxieuses, leur professeure principale déclarer que le temps de l’enfance est révolu. À ces mots, l’adolescence des deux Brivistes semble s’amorcer – une période caractérisée par la relation complexe qu’elles entretiennent avec leur mère respective, les premiers émois amoureux, mais aussi la voie professionnelle à emprunter. Bientôt, la volubile Anaïs, portée par une inégalable rage de vivre, se frotte aux réalités du bac pro, alors que sa nonchalante et rêveuse amie Emma s’interroge sur le choix délicat des études supérieures. Quatre ans après Les Vies de Thérèse, bouleversant documentaire qui accompagnait les derniers jours de la militante féministe Thérèse Clerc, Sébastien Lifshitz choisit de sonder une période pendant laquelle les idées balbutient, où toutes les routes peuvent encore être tracées.
Logé dans les interstices et les rituels de la vie d’Emma et de celle d’Anaïs, il livre un portrait furieusement intime d’existences en construction. S’y déploie la poésie du quotidien – nourrie des répétitions de l’emploi du temps et des éclats de la vie familiale – et de ces choses qui ne seront plus jamais les mêmes. Si les deux amies se servent de la démarche de Lifshitz pour se révéler à elles-mêmes, s’engage aussi un questionnement sur les déterminismes sociaux (Emma et Anaïs sont issues de milieux opposés) comme sur leur rapport à la société française – que le cinéaste explore dans tous ses travaux, à l’image des Invisibles (2012) dans lequel témoignaient des femmes et des hommes homosexuels nés dans l’entre-deux-guerres et ayant lutté pour leurs libertés –, ici gangrenée par la menace terroriste après les attentats de 2015. Les évolutions sociétales et l’inégalité des chances qui se dresse entre Emma et Anaïs auront-elles raison de leur amitié ?
Porté par un rapport presque symbiotique à ses sujets, Sébastien Lifshitz va au-delà du dispositif cinématographique et devient le passeur de morceaux de vie choisis, comme en écho à son impressionnante collection de photos vernaculaires – récemment présentée au Centre Pompidou –, témoin de milliers d’existences auxquelles il souhaite à tout prix donner une place."
- Le Bleu du Miroir - Tanguy Bosselli: Adolescentes"Un pari fou amène-t-il forcément un bon film ? Avec son concept de filmer une fois par mois pendant cinq ans deux filles âgées alors de treize ans, Sébastien Lifshitz prend le risque de perdre en intensité et de marquer de manière didactique son documentaire sur le portrait de ces adolescentes. Il aurait aussi pu se retrouver à singer le film Boyhood de Richard Linklater, malgré le côté entièrement fictionnel et parfois plus exagéré de ce dernier. Pourtant, le contraire se passe dans Adolescentes : jouant sur une remarquable fluidité temporelle, marquée par le global (l’instabilité politique du pays et les basculements idéologiques) et le local (la scolarité de ces demoiselles), le réalisateur parvient à conserver un regard tendre et juste sur son sujet tout en réussissant à explorer en profondeur tout ce qu’il cherchait à creuser.
Adolescentes, c’est un documentaire qui narre la vie de Emma et Anaïs, deux collégiennes et meilleures amies qui débarquent alors en quatrième dans la ville de Brive-la-Gaillarde. Le documentaire permet donc de suivre leur scolarité de la quatrième jusqu’à leur arrivée en études supérieures ou dans la vie active, soit de 2013 à 2018. Mais au-delà même de cette problématique déjà passionnante, Adolescentes parle de la maturité progressive de ces futures jeunes adultes vis-à-vis de leurs relations familiales mais aussi des problématiques nationales et locales. Les attentats de Charlie Hebdo puis du 13 novembre 2015, les élections présidentielles de 2017, mais aussi des ruptures amoureuses ou des dégâts matériels importants sont autant un basculement psychologique chez ses personnages qu’un moyen d’aller creuser la complexité de ces protagonistes mais aussi les rapports sociaux qui se renforcent ou se créent au fur et à mesure de leurs existences. Leurs relations avec leurs premiers amours, leurs premières copines, leurs mères omniprésentes et leurs pères souvent absents… tout est passé au crible devant une caméra libre de tout filmer, sans paraître opportuniste ou même voyeur.
Sébastien Lifshitz, par son choix de cadre, réussit toujours à trouver la position parfaite de la caméra pour épouser le regard et le point de vue de ses personnages, sans s’enfoncer dans les méandres du sensationnalisme ou de la retenue qui auraient modifié de manière criarde l’approche documentaire et la question du point de vue. Ici, en filmant ces filles en rapport à leur environnement, il parvient à scruter les moindres appels vers le hors-champ, les regards perdus vers quelque chose d’indicible, proche d’elle mais pourtant si lointain pour le spectateur. Ce sentiment d’indicible est ce facteur X qui permet une identification car elle renvoie à nos propres errances adolescentes, nos propres peurs sur l’avenir et en même temps trahissent la confiance qu’elles laissent parfois paraître et dont elles peuvent se servir comme carapaces. Au final, tout ce hors-champ converge vers cette démarche assurée, ce départ d’une ville transitoire sans études supérieures, vers un nouvel environnement à – à nouveau – apprivoiser.
« Les archétypes ont la vie dure », disait le réalisateur juste après la projection du film, durant le Q&A. Outre les éléments cités ci-dessus, ce qui frappe le plus dans le film est cette notion de classes figées dans le temps, au contraire des personnalités de chacun par rapport aux épreuves qu’ils vivent. Emma et Anaïs, bien qu’elles étudient dans le même collège, ne se ressemblent en rien: elles n’écoutent pas la même musique, ne se destinent pas au même cursus scolaire, et viennent de milieux sociaux nettement différents. Emma semble venir de la petite ou moyenne bourgeoisie; Anaïs d’un milieu populaire voire prolétaire. Et au fil des années, si les personnalités évoluent, les strates sociales se figent, voire se cristallisent. Pas de cristallisation entre elles à ce sujet dans le film: simplement des points de rencontre par le montage durant des événements qu’elles suivent par le médium télévisuel en même temps.
La séquence des élections présidentielles de 2017 en est le parfait exemple, entre la désillusion de Emma et de ses parents d’avoir pressenti un vote uniquement de barrage, et Anaïs qui semble avoir une préférence par opposition à l’actuel Président de la République, parce qu’il serait un « sale bourge ». De manière idoine, cette observation de deux classes sociales toujours rigide et inchangée vient se placer en opposition à l’avancée des âges des personnages: il subsiste un semblant de déterminisme social malgré la volonté de changer les chose. Cette fatalité n’est toutefois jamais contrecarrée, jamais subie, juste assumée et interprétée à de différentes manières par les deux jeunes filles. Le documentaire semble presque gagner en force par ce jeu de mise en temps de différentes caractéristiques qui structurent le devenir de ces adolescentes en dehors de leur scolarité.
On peut toutefois regretter l’intervention programmatique d’images d’archives, ne provenant pas directement du documentaire mais d’enregistrements récupérés pour présenter les différentes attaques qui ont marqué cette génération de collégiens. Ces ajouts créent peut-être un ton beaucoup trop emphatique et lourd par rapport à l’amplitude souhaitée durant les 2h15 de film: il aurait peut-être été plus vertigineux de laisser ces attentats ou autres faits divers tragiques en hors-champ pour se préoccuper uniquement du trop rare point de vue des adolescents juste après ces événements. Ceci aurait sans doute été à la fois plus crucial et évocateur d’émettre une ellipse franche au montage et capter dans l’immédiateté ces enfants désarmés face à la crudité du monde, au lieu de rappeler au spectateur directement cette crudité.
Mais qu’importent ces petits soucis ennuyeux qui n’apparaissent que trois fois dans Adolescentes : Sébastien Lifshitz réussit le pari de marquer, par ces visages, cette constellation familiale et amicale autour de ses deux héroïnes, un pays qui change et ces nouvelles voix qui s’élèvent face au changement, dans les sphères publiques ou privées."
- avoir-alire.com - Laurent Cambon: Adolescentes"Les Invisibles nous avait sidérés par sa beauté. Plus tôt encore, Sébastien Lifshitz nous entraînait sur les sillages de son père, à travers les Etats-Unis dans un documentaire autobiographique La traversée, saisissant dans ce road movie sentimental, les témoignages merveilleux de ses compagnons de passage. Le cinéaste s’est mis depuis longtemps dans les pas de Raymond Depardon, tentant de recueillir après lui, la substantifique moelle de l’âme humaine à travers la France. C’est un pays que Sébastien aime, n’hésitant pas à aller au bout des campagnes, loin de la capitale, au plus près de ces gens ordinaires qui façonnent la France. Cette fois, il a pris le pari très risqué de suivre le destin de deux jeunes filles, Emma et Anaïs, depuis leurs treize ans, jusqu’au départ du cocon familial, après le passage du baccalauréat. Quelle aventure ! Comment une caméra peut-elle ainsi prendre place au sein de deux familles de Brive-La-Gaillarde, au sein du lycée et du collège que ces deux gamines fréquentent, au sein de leur bande d’amis, pendant près de cinq ans ? Le film ne donne aucune réponse à ce mystère, le cinéaste parvenant miraculeusement à s’effacer et à faire oublier la présence de la caméra pendant ces années qui, pour des adolescentes, ressemblent à l'éternité.
On imagine l’immense travail fourni par le réalisateur pour préparer ses personnages à ces cinq années de vie (presque commune). La caméra s’installe dans les parcs, dans les voitures, au bord des rivières, dans les maisons ou les écoles, auprès de tous ces gens d’une authentique beauté. Pourtant, elle semble se confondre avec le paysage. Pas un regard ne la croise. Aucune réponse aux éventuelles interrogations du réalisateur. Aucune mise en scène non plus, juste le saisissement de scènes de la vie quotidienne où les jeunes filles se construisent, pendant que leurs parents luttent pour les cadrer et leur offrir le meilleur. Lifshitz a choisi deux familles totalement opposées. La première appartient à la bourgeoisie corrézienne, plutôt bien installée, attentive à la réussite scolaire des enfants ; la seconde appartient à un milieu social plus défavorisé : on comprend qu’Anaïs a été placée en famille d’accueil, les parents font ce qu’ils peuvent et les malheurs s’abattent sur eux, qu’il s’agisse de problèmes de santé ou d’incendie dramatique. Pourtant, les deux jeunes filles partagent une amitié indéfectible, quasi fraternelle, que l’avenir, sans doute, ravagé par le déterminisme social, mettra en berne. Peu importe. Plus que deux classes sociales qui s’opposent, Les adolescentes raconte l’enfance dans ce qu’elle a de merveilleux et d’insupportable à la fois.
Il sera difficile pour le spectateur de ne pas s’identifier aux personnages qui traversent ce récit social. Les adolescents se retrouveront dans ces deux portraits touchants, hantés par l’angoisse des examens, les différends avec les parents, et surtout les premières amours que personne n’oublie jamais. Les adultes se reconnaîtront dans la bataille qu’ils mènent avec leurs propres enfants, pour qu’ils prennent la mesure de l’importance de l’école dans leur avenir ou lorsqu’il s’agit d’accepter qu’ils ont grandi et doivent quitter le cocon familial. Sébastien Lifshitz ne se moque jamais de ses personnages. Au contraire, on perçoit la force éthique de sa caméra qui ne juge jamais. L’empathie profonde du réalisateur pour ces deux jeunes filles leur permet de donner à voir plus qu’elles ne sont en vérité. On perçoit le doute, la pudeur, la peur, la joie, bref tous ces sentiments merveilleux qui construisent les adultes de demain. La force du film s’incarne dans l’immense générosité qui transparaît dans le regard de la caméra.
Sébastien Lifshitz filme le cycle des saisons. La lumière de l’été succède aux montagnes enneigées, avec entre les deux, les mois d’école, les colères contre les devoirs scolaires, les disputes avec les parents, et les moments de légèreté et de douceur qui font aussi la vie. On tremble pour Anaïs qui semble pourtant si forte face à la fragilité de sa mère. On s’émeut devant les larmes d’Emma qui bataille contre la solitude et l’épuisement. Et on regarde ces parents qui vieillissent, doutent, mais continuent de croire en l’avenir de leurs enfants. Les adolescentes rend hommage à toutes les jeunesses, celles-là même qui feront la France de demain. Et soudain, comme par enchantement, le film transforme peut-être le sentiment vieillot que le pire est toujours à venir en une forme d’espoir inépuisable où tout semble possible."
- Télérama - François Ekchajzer: Adolescentes"Adolescentes est de ces films qui cueillent le spectateur en suscitant une émotion qu’il ne voit pas venir, charmé par la légèreté apparente d’une chronique dans laquelle les moments de grâce ne manquent pas. Une œuvre aérienne, peu à peu rattrapée par la dureté du monde et, finalement, plus politique qu’on ne l’imaginait."
vos avis (38)
Tout voir- E000000209450929 septembre 2024
- Cécile27 octobre 2022
- JLP12 juin 2022Anecdotique et sans grand intérêt.
- Véronique24 avril 2022
- E101015443176206 février 2022
- Lucie26 janvier 2022
- Margherita07 janvier 2022Des parents horribles, des filles magnifiques!
- Johanès27 décembre 2021
- Anna14 décembre 2021J'ai vraiment adoré suivre Emma et Anaïs, deux jeunes filles aux personnalités très riches, au travers de ce documentaire qui retrace 5 années de leur adolescence (de la 3e au bac). Elles sont meilleures amies malgré leurs différences : milieux, personnalités, parcours... L'une est lumineuse, extravertie et d'une famille en difficulté et l'autre très mal dans sa peau, brillante mais étouffée par une mère très présente. Elles avancent chacune de son côté mais toujours se retrouvent et témoignent chacune à sa façon de la difficulté de la période de l'adolescence. Forcément on retrouve des choses de son adolescence mais on voit aussi les évolutions par rapport aux ados d'aujourd'hui. Des très belles scènes, des questions sur la vie, les choix, les amis, l'amour... Se regarde comme une fiction ! Extra !
- Victor20 juin 2021
- mr peanut butter01 juin 2021
- Pascale14 avril 20212h , je n'ai pas vu le temps passé tant ces portraits m'ont transporté des années en arrière. On se rappelle notre adolescence, la relation avec nos parents, étions nous aussi dures ?, le bac et son importance, nos ami(e)s... a voir , quels parents seront nous à notre tour ?
- MVJ12 avril 2021Gros travail sur plusieurs années, chapeau.
- BastienTA30 mars 2021
- Jean-Paul28 mars 2021documentaire réussi parfait
- Anthony27 mars 2021
- Utilisateur anonyme21 mars 2021Très intéressant, agréable
- Anne-Sophie19 mars 2021Bien que les deux jeunes filles suivies viennent de deux catégories sociales très différentes,je ne trouve pas que cela soit empli de clichés. C'est simplement la vraie vie. Elle n'est pas romancée comme dans un film ni mises en scène comme dans des "téléréalités". Je trouve même que c'est rassurant de voir des jeunes filles se questionner ouvertement sur des sujets délicats à cet âge-là : la sexualité d'abord, leur avenir, le rôle des parents dans la construction de sa propre vie. C'est ça que donne à voir le réalisateur sans fard ni trompette, sans sensationnalisme et avec une proximité autant qu'un retrait qui nous permet d'assister aux scènes sans en être partie prenante. Franchement je recommande ce documentaire qui montre bien qu'on a tous été adolescent et que les sentiments qu'Anaïs et Emma dévoilent ont forcément été ressentis un jour par nous même.
- Anastasia19 mars 2021
- jean- marie13 mars 2021superbe