" À voir si vous aimez
L’Homme sans passé d’
Aki Kaurismäki,
Chansons du deuxième étage de
Roy Andersson,
Whisky de Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll...
Ce premier long métrage de l’ex-kinoïte et musicien (
Avec pas d’casque) Stéphane Lafleur déjà séduit bon nombre de critiques qui y ont vu le meilleur film québécois de l’année. (...) le spectateur peut se reconnaître dans ces petits gestes anodins, ces esquisses de conversations ratées, cette main maladroite tendue vers l’autre (...)
Stéphane Lafleur est monteur avant d’être réalisateur. Ceci explique sans doute pourquoi
Continental ne possède pas une scène ni un plan de trop. Toutefois, filmer comme un monteur, c’est aussi tourner sans filet (...) Affectionnant l’aspect vignette du cinéma, comme chez le Suédois Roy Andersson, Lafleur a créé avec Sara Mishara de longs plans fixes où chaque personnage poursuit sa petite histoire parallèlement aux autres. Afin d’être dans l’esprit intemporel du film, où la technologie fait souvent défaut, il a choisi de filmer avec une caméra Super 16, une espèce en voie de disparition. Outre le minutieux travail à l’image, l’on retrouve ce même souci du détail dans la bande-son où le ronron d’un frigo ou la sonnerie d’un portable nous transportent cruellement dans la réalité, tout en nous faisant glisser doucement dans l’insolite, voire le fantastique et le merveilleux. "J’avais mis beaucoup de notes sonores dans le scénario, avoue le réalisateur, et je pense que le fait que les personnages soient seuls fait en sorte qu’on est plus sensible à ces bruits-là."
Par sa forme épurée, son esthétique austère et ses dialogues d’une simplicité et d’une authenticité désarmantes,
Continental, un film sans fusil séduit par son audace stylistique, par l’humanité qui en émane et, surtout, par l’étonnante maturité de son réalisateur, qui pose un regard sans jugement, mais où se devine une certaine tendresse, sur une société où l’on cherche désespérément à communiquer avec autrui.
Émouvant film sur la solitude et la solidarité, ce premier long métrage de Stéphane Lafleur met en scène des êtres que l’on croiserait dans la rue sans les voir. Pourtant, force est de reconnaître que chacun de ces perdants magnifiques, pour reprendre l’expression de Cohen, viendra nous déchirer le coeur par le drame qui bouleversera sa morne existence… tout en nous faisant rire de bon coeur par le ridicule avec lequel il tentera parfois d’échapper à la sourde angoisse qu’apporte la solitude quand on ne l’a pas choisie. (...)
Évoquant par son côté insolite et décalé l’univers des Roy Andersson et Aki Kaurismäki, ce que l’on annonce déjà comme le meilleur film québécois de l’année fait montre d’une rigueur remarquable tant dans son fond que dans sa forme. Ainsi, grâce à la photographie précise de Sara Mishara, qui compose des plans traduisant avec puissance le désarroi de ces quatre âmes solitaires, l’oeuvre illustre avec finesse, sincérité et humour la dignité des gens de peu. Enfin, au coeur de ce formidable objet cinématographique où l’absurdité délicieuse désamorce la tout aussi irrésistible mélancolie, chaque interprète offre un jeu d’une formidable retenue.
En somme, du grand cinéma comme on n’en voit que trop rarement."