Liste de lecture deJaco Van Dormael
41 films451 degrés Fahrenheit, c'est la température à laquelle brûle le papier. C'est aussi le sigle qui désigne les pompiers d'une époque future, dont la fonction est, non plus d'éteindre, mais d'allumer le feu. Il s'agit en effet, pour le bien d'une société devenue résolument « communautaire », de supprimer ce ferment d'individualisme. Mais un jour, Montag, pompier d'élite, est questionné par une jeune-fille : « Vous ne lisez jamais les livres que vous brûlez ? ». Montag, troublé, ouvre un livre et découvre un nouveau monde... Adaptant Ray Bradbury, Truffaut s'essaie à la SF pour mieux célébrer son amour des livres et l'esprit de résistance.
Premier rôle : Oskar Werner
Premier rôle : Julie Christie
Premier rôle : Cyril Cusack
Second rôle : Anton Diffring
Second rôle : Jeremy Spenser
Second rôle : Alex Scott
Second rôle : Denis Gilmore
Second rôle : Fred Cox
Second rôle : Frank Cox
Second rôle : Michaël Balfour
Second rôle : Judith Drinan
Second rôle : David Glover
Second rôle : Yvonne Blake
Second rôle : John Rae
Second rôle : Earl Younger
Second rôle : Bee Duffell
Second rôle : Gillian Lewis
Second rôle : Ann Bell
Second rôle : Caroline Hunt
Second rôle : Anna Palk
Réalisation : François Truffaut
Scénario : François Truffaut
Scénario : Jean-Louis Richard
Producteur : Lewis M. Allen
Producteur : Ian Lewis
Producteur : Vineyard Film
Directeur de la photo : Nicolas Roeg
Montage : Thom Noble
Son : Bob McPhee
Musique originale : Bernard Herrmann
Décors : Syd Cain
Costumes : Tony Walton
Auteur de l'oeuvre originale : Ray Bradbury
Producteur exécutif : Miriam Brickman
Producteur exécutif : Michael Dalamar
Producteur exécutif : Jane C. Nusbaum
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langues : Français, Anglais
- Date de production : 1966
- Pays de production : Royaume-Uni
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Critiques (4)
- Arts - Jean-Louis Bory, 14/09/1966: Fahrenheit 451" Ce mélange d’humour et de tendresse auquel je suis personnellement très sensible, voilà le charme de Fahrenheit 451 (...) le récit de Ray Bradbury (...) appartient à la science-fiction. Le film de Truffaut, non. Encore moins qu’Alphaville. Tous les gadgets, les moyens de locomotion, la prolifération des antennes de TV, les murs-écrans, les habitations, les meubles, tout est de notre présent. Truffaut s’est refusé les chiens-robots de Bradbury, par exemple. La « civilisation » de Fahrenheit 451 c’est, matériellement parlant, la nôtre.
Le coup de pouce anticipateur, Truffaut l’a donné sur le plan psychologique et moral : voilà, c’est fait, l’ubiquité d’une TV « aux ordres », la dépolitisation systématique, l’anesthésie provoquée par une presse conditionnée ont définitivement abruti les gens. Ils vivent comme des végétaux heureux dans des serres ou tout concourt au confort des corps et au sommeil de l’âme. Please, do not disturb. Tout ce « qui dérange nuit. On le détruit comme les mauvaises herbes ou les microbes. Un livre dérange, puisqu’il pousse aux rêves, à l’inquiétude, aux questions. Donc, il faut détruire les livres. Cela aussi très contemporain — l’anticipation se limite au fait que tous les livres sont détruits, le Capital, le Petit Poucet, les Cahiers du Cinéma (...)
Le travail, admirable, de Truffaut consiste à faire sentir l’insolite futuriste dans un décor non futuriste. Un insolite psychologique plus que matériel. A coup de menus détails portant sur des gestes, des regards, des répliques, des attitudes — et non sur des objets. Nous voilà à des années lumières d’un James Bond où tout, au contraire, est dans les objets (...)
A nous de voir clair et vite, car Truffaut ne dit pas les choses. A nous de sentir, chez les personnages, cette faim vague, inconsciente, de tendresse ; cette solitude généralisée sous l’abrutissement collectif ; cette inquiétude refoulée à force de pilules ; ce froid qui obsède Antonioni ; ce silence, sous le vacarme, qui angoisse Bergman. Malaise diffus contre lequel nos amis les livres pouvaient tant. Fahrenheit 451, au même titre que le Désert Rouge, est avant tout la peinture de ce malaise. Et sur ce point, la pudeur et la sensibilité de Truffaut font merveille. Et sa tendresse qui l’incite à considérer les visages d’enfants, à tourner sa caméra vers des visages avec la peur de découvrir combien ils sont inhabités. Et cette tendresse, sitôt découverte, un retour de pudeur la voilà sous un certain sourire, un éclair d’humour qui permet à Truffaut d’éviter l’idéalisme fade ou le préchi-précha humanitariste."
- Télérama - Claude-Marie Trémois, 08/10/1986: Fahrenheit 451« Maman, les pompiers, il va y avoir le feu ! ». Cette petite phrase d'un enfant et cette voiture rouge, basse, massive, roulant sans à-coup, en silence, comme si elle glissait et que rien ne puisse l'arrêter, à travers un paysage trop net, trop propre, trop vide, c'est cela Fahrenheit. Un film sur la peur. Un film sur l'absence (...)
A le revoir, vingt ans exactement après sa sortie, on est ébloui. Ce film mal aimé et auquel certains ont reproché d'être le moins personnel de son auteur, est peut-être celui où François Truffaut se livre le plus. Lui qui avait une égale passion pour les livres et pour les films, pour le stylo et pour la caméra, était bien le mieux placé pour nous conter cette histoire d'un pays où les livres sont interdits et où les pompiers pyromanes ont pour mission d'y mettre le feu.
Plus de livres, plus d'écrit, donc plus de langage. Les mots n'ont plus qu'une valeur fonctionnelle. Et les habitants de ce lieu maudit ont désappris à penser. Décervelé, conditionné, vivant entouré de gigantesques écrans de télévision, abruti de pilules et convaincu de son bonheur par les autorités, chacun reste muré dans sa solitude et sa détresse inavouée.
Le rêve, le désir, l'amour, la tendresse, comme le doute, la réflexion ou la contestation, tout cela a disparu en même temps que les romans, les essais et les poèmes.
Alors Truffaut a filmé le manque, le vide, cet univers de mort, de la façon la plus simple, sans un plan inutile, sans la moindre fioriture ni dans le scénario ni dans la mise en scène. Et puis, soudain, la vie réapparaît en même temps que des livres sortent de leurs caches. Et notre cœur se serre devant le brasier qui s'allume. Les mots brûlent. Ils brûlent tout court et ils nous brûlent le cœur.
La dernière séquence est toujours aussi belle : dans une forêt de bouleaux, des hommes-livres se promènent. Ils se récitent à mi-voix les grands livres des hommes. Gardiens de la mémoire, ils sont la conscience du monde."
- Cinéma - Fabrice Revault d'Alonnes, 08/10/1986: Fahrenheit 451Truffaut entretenait, via le cinéma, un rapport paradoxal au roman, au livre en général. Sous le cinéaste révélé, il y a un littérateur. Ou, plutôt, le cinéaste « réalise » le romancier. Parallèlement, Truffaut entretenait, via la modernité, un rapport paradoxal avec le cinéma classique. Derrière l’auteur de « Une certaine tendance du cinéma français », dans la foulée du brillant critique de la Nouvelle Vague, il y a le cinéaste préoccupé de revenir sur (et non à) la narration classique. D’inventer un autre romanesque à l’écran, un autre rapport de l’image et du texte, de l’acteur et de l’auteur.
Truffaut, fidèle à ses engagements, réalise un cinéma qui ne raconte pas de la même façon : vitesse, ellipses et élisions, abandon de tout psychologisme, singularité des situations et personnages, livrés tels au spectateur, dans une grande spontanéité, avec une totale limpidité. Fahrenheit ne dément pas la règle.
Image-texte. Chez Truffaut, toujours, le récit est partout. Dans le livre préexistant, dans son adaptation scénarique, dans les dialogues associant souvent la narration « in » et « off ». Acteur-auteur. L’auteur du livre et celui du film deviennent co-narrateurs, susceptibles d'intervenir en « off » dans leur récit ; mais les acteurs aussi peuvent être narrateurs de leurs propres personnages (voir notamment les Deux Anglaises). Et si l’on repense au couple Truffaut-Léaud, l’identification devient telle qu’on ne distingue plus guère l’auteur et l’acteur. L’Enfant sauvage serait le film-symptôme de cet état latent du cinéma de Truffaut, qui y occupe à la fois la place de l’auteur du livre, de l’acteur et du réalisateur : omni-narrateur, d’autant plus qu’il raconte cet enfant aphasique, parle pour lui.
Fahrenheit reprend à sa façon cette grande préoccupation truffaldienne : l’image séparée du texte, du sens, tel est le danger. Ce n’est même plus une image (juste), ce sont des images indifférenciées, insignifiantes, aliénantes. Le monstre cyclopéen télévisuel est visé précisément dans Fahrenheit: le générique se déroule sur un ciel peuplé d’antennes-télé, les grands écrans big- brothériens sont partout, c’est même l’absence d’antenne sur le toit qui désigne l’habitation d’un lecteur de livres. Truffaut nous offre même une BD sans bulles ni légendes, symbole d’un futur proche où l’image se substituerait au texte, irait sans et contre lui, serait insensée.
Il y aurait certes bien d’autres aspects de Fahrenheit à développer : la rencontre (du 3ème type) de Truffaut avec la SF ; le petit côté hitchcokien de ce film et d’autres ; l’attrait pour l’Angleterre et sa littérature ; la fascination par le feu ; les clins d'œil complices à l’enfance (Stevenson, et cette étonnante voiture d’anti-pompiers flics !), et j’en passe... [...]
Fahrenheit l’atteste : Truffaut était peut-être bien le dernier « honnête homme », le dernier tenant des Lumières (pas seulement les frères, l’idéologie du même nom !). En filigrane de Fahrenheit, il y a les autodafés hitlériens, et la chasse aux intellectuels par les dictatures, d’Est en Ouest, du Nord au Sud. Las : il faut craindre que la réalité soit pire que la fiction. Pas besoin en effet d’une dictature pour brûler les livres : la démocratie parvient fort bien à ce qu’on ne lise plus. L’aliénation médiatique (télévisuelle, informatique, et autre), c’est-à-dire l’horreur de l’image contre le texte, des images contre l’image, du signe contre le sens, demeure d’une actualité... brûlante.
- Télérama - Janick Arbois, 2/10/1966: Fahrenheit 451" ... le fantastique ne vient pas du décor, si futuriste soit-il, mais du comportement humain. Les romans de Ray Bradbury, auteur de Fahrenheit 451, appartiennent à cette dernière catégorie. Les robots, les fusées, n’y sont jamais décrits en détail pour le plaisir. Ils existent le plus naturellement du monde comme des objets familiers et parfaitement habituels. En face de ces machines ce sont les hommes qui sont mystérieux, inconnus et parfois effrayants. Ces hommes nous ressemblent et pourtant ne pensent plus, n’aiment plus, ne réagissent plus comme nous. C'est leur monde intérieur qui est fantastique, pas leur civilisation technique.
En adaptant Fahrenheit 451 François Truffaut, qui ne se cache pas d’aimer modérément la science-fiction, s'est montré sensible surtout à cette étrangeté intérieure des personnages de Bradbury. Il a supprimé de son film, le plus possible, la machinerie toujours plus difficile à faire admettre par des images que par des mots. Mais il a magistralement prouvé qu'en fait de fantastique le cœur et l’esprit des hommes n'avaient pas fini de nous surprendre. Le couple formé par Linda et Montag est plus terrifiant que le plus affreux des robots. Ils sont beaux, ils sont gentils, ils ont des mots, des gestes d’homme et de femme, et pourtant ils nous glacent d’effroi. Leurs regards ne se croisent jamais, leurs sourires ignorent la douceur, l’ironie, la tendresse, tout ce qui fait battre le cœur un peu plus vite. N’importe qui peut nous faire peur avec des monstres biscornus et trípodes, mais pour nous inquiéter avec un joli petit monstre blond et gracieux comme Julie Christie, il faut être François Truffaut.
Les humains, carcasses vides et froides, ayant cesse de vivre, ce sont les livres qui transmettent et conservent la vie de l’esprit. Le film est un hommage aux livres. Non seulement à leur contenu, souvent Incohérent, contradictoire ou malfaisant, mais à leur présence comme objets familiers. Grâce à cet amour des livres comme compagnons de l’homme le film de Truffaut, loin d’être une thèse abstraite, est émouvant. Il nous communique pour ces livres qui se tordent dans les flammes un sentiment qui ressemble à l’amitié.
Personne ne prend la parole dans ce film pour vanter les mérites des livres quand on ies accuse de toutes sortes d'erreurs ou de vices. Mais une femme préfère mourir avec eux que de vivre sans eux. C’est qu'une part importante de la vie des hommes se réfugie dans leurs livres : ceux qu'ils écrivent et ceux qu'ils lisent.
Nous n’avons jamais vu à l’écran défendre la vie de l'esprit avec autant de foi et si peu de profession de loi. Seul un grand cinéaste, maître de ses images et de ses interprètes, pouvait ainsi nous toucher au cœur en défendant l’esprit.
Ce film fait partie de la liste de :
vos avis (10)
Tout voir- Monique04 octobre 2023
- Doyle22 janvier 2022
- Jean-Pierre28 novembre 2021
- patrick18 novembre 2021Fascinant
- Louise13 mars 2021
- Anthony04 janvier 2021
- Adele01 juillet 2020
- Christelle06 décembre 2019Aujourd'hui plus besoin de bruler les livres...
- pascale07 mars 2019Un film insolite de Truffaut. A ma connaissance, c'est son unique réalisation dans le genre de la science fiction, mais le thème central, la littérature, est récurrent dans l'oeuvre du cinéaste. Un traitement subtil et humaniste du genre (Truffaut invente l'écran plat, le train suspendu, mais conserve les meubles suédois des années soixante et les vieux téléphones à cadran! ). Tourné en anglais. Excellent.
- remy09 mai 2018Film à part et un peu intemporel .Un éloge du livre, et une critique de la modernité. Comme souvent, une réalisation de bonne facture pour Truffaut.