Liste de lecture deFrançois Truffaut
1 filmLa Poison
1H36Cinéma / Culte & ClassiqueFrance
Paul Braconnier vit un enfer conjugal avec sa femme, une mégère alcoolique. Chacun cherche le moyen de supprimer l'autre. Paul se rend chez un célèbre avocat qui lui apprend involontairement comment accomplir son crime. Paul rentre alors chez lui, tue sa femme et se constitue prisonnier. Défendu par l'avocat, il est acquitté et revient triomphant au village.
Premier rôle : Michel Simon
Premier rôle : Germaine Reuver
Premier rôle : Pauline Carton
Premier rôle : Jeanne Fusier-Gir
Premier rôle : Jean Debucourt
Premier rôle : Jacques Varennes
Premier rôle : Luce Fabiole
Premier rôle : Louis de Funès
Premier rôle : Albert Duvaleix
Second rôle : Marcelle Arnold
Réalisation : Sacha Guitry
Scénario : Sacha Guitry
Producteur : Alain Poiré
Producteur : Paul Wagner
Directeur de la photo : Jean Bachelet
Montage : Raymond Lamy
Son : Fernand Janisse
Musique originale : Louiguy
Décors : Robert Dumesnil
Cadre : René Ribault
Cadre : Gustave Raulet
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Noir et blanc
- Langue : Français
- Date de production : 1951
- Pays de production : France
- Titre original :
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Critique (1)
.- - Louis Danvers: La Poison
" L'idée de la Poison est venue à Sacha Guitry un soir qu'il parlait à un avocat, un maître du barreau qui totalisait déjà cent quarante-deux acquittements (...)
De fait, c'est en entendant, à la radio, Me Aubanel fêter son centième acquittement et disserter sur la différence entre assassin et meurtrier, qu'une idée similaire pénètre l'esprit soucieux de Paul Braconnier (...) Il aurait dû savoir, le Maître, qu'un homme appelé Braconnier pouvait vouloir chasser dans les marges de la loi. Il devra donc assumer, au risque de voir la chose (et donc sa complicité objective !) révélée au grand jour. Et devenir ainsi, lui le ténor du théâtre judiciaire, à peine mieux qu'un figurant nécessaire dans la mise en scène d'un génial amateur. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Inspirés par une identique idée, Guitry a, comme il dit, « fait un film », et Braconnier perpétré un meurtre. Mais l'un et l'autre peuvent aussi s'échanger la politesse. En organisant son crime et ses suites, le paysan est devenu metteur en scène. Et en osant montrer (joyeusement) dans son film que le crime pouvait payer, le cinéaste s'est fait lui-même un petit peu criminel.
Dans le rôle principal, Michel Simon (auquel Guitry pensait déjà en écrivant le scénario) fait une création géniale. Ayant obtenu qu'on ne tourne qu'une seule prise par scène avec pour résultat un tournage de onze jours, il donne au personnage une force et une finesse expressives sans équivalents. Surtout, il restitue d'hallucinante manière ce qui fait de Braconnier le plus épatant des « monstres » filmés par Sacha Guitry, le plus radical aussi parmi les (nombreux) grands malhonnêtes nés dans l'imagination de l'auteur. Non content de tuer, il transforme le mensonge en vérité, la fiction en réalité, bref il met en scène sa propre aventure criminelle et ses suites judiciaires, adaptant l'unique leçon volée au Maître (excellent Jean Debucourt) avec une vicacité, une logique et une intelligence dont il ira jusqu'à se faire lui-même le compliment, dans le box des accusés (« C'est extraordinaire à quel point le fait d'avoir commis un meurtre peut développer l'intelligence... »).
La manière dont cet individu, littéralement transcendé par son crime, retourne à son profit le système judiciaire, est à elle seule un monument de la subversion à l'écran. Braconnier s'y affiche au-delà de toutes les conventions morales, sociales, tout en apportant à sa mise en scène les touches de conclusion. L'acquittement va tellement de soi qu'il n'est pas nécessaire de nous le montrer, et Guitry peut s'offrir une spectaculaire ellipse pour passer, directement, de la salle d'audience au village où le criminel blanchi fait son retour triomphal.
Le rideau peut tomber sur le plus profondément ironique peut-être des films de Sacha Guitry. Sur une des plus fortes affirmations aussi du pouvoir de la mise en scène. Du générique, où il précise lui-même dans son éloge de Simon : « Car on ne m'empêchera pas d'appeler cela du théâtre », aux exclamations outrées du procureur criant à pure perte : « Ce n'est pas du théâtre, la justice ! », en passant par les jeux des enfants reconstituant l'affaire au fur et à mesure de son déroulement, ou par la tentative burlesque des commerçants du village demandant à un curé consterné de leur organiser un faux miracle pour attirer le client, les scènes se répondent autour d'un axe de pensée unique. Et dans lequel, au-delà du plaisir pris à chaque instant du film, se profile peut-être un autre procès : celui d'une société tellement bluffée par le spectaculaire qu'aucune de ses valeurs n'y résiste un tant soit peu..."
Extrait de "Sacha Guitry, cinéaste", Ed; Yellow Now et Festival International du Film de Locarno
De fait, c'est en entendant, à la radio, Me Aubanel fêter son centième acquittement et disserter sur la différence entre assassin et meurtrier, qu'une idée similaire pénètre l'esprit soucieux de Paul Braconnier (...) Il aurait dû savoir, le Maître, qu'un homme appelé Braconnier pouvait vouloir chasser dans les marges de la loi. Il devra donc assumer, au risque de voir la chose (et donc sa complicité objective !) révélée au grand jour. Et devenir ainsi, lui le ténor du théâtre judiciaire, à peine mieux qu'un figurant nécessaire dans la mise en scène d'un génial amateur. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Inspirés par une identique idée, Guitry a, comme il dit, « fait un film », et Braconnier perpétré un meurtre. Mais l'un et l'autre peuvent aussi s'échanger la politesse. En organisant son crime et ses suites, le paysan est devenu metteur en scène. Et en osant montrer (joyeusement) dans son film que le crime pouvait payer, le cinéaste s'est fait lui-même un petit peu criminel.
Dans le rôle principal, Michel Simon (auquel Guitry pensait déjà en écrivant le scénario) fait une création géniale. Ayant obtenu qu'on ne tourne qu'une seule prise par scène avec pour résultat un tournage de onze jours, il donne au personnage une force et une finesse expressives sans équivalents. Surtout, il restitue d'hallucinante manière ce qui fait de Braconnier le plus épatant des « monstres » filmés par Sacha Guitry, le plus radical aussi parmi les (nombreux) grands malhonnêtes nés dans l'imagination de l'auteur. Non content de tuer, il transforme le mensonge en vérité, la fiction en réalité, bref il met en scène sa propre aventure criminelle et ses suites judiciaires, adaptant l'unique leçon volée au Maître (excellent Jean Debucourt) avec une vicacité, une logique et une intelligence dont il ira jusqu'à se faire lui-même le compliment, dans le box des accusés (« C'est extraordinaire à quel point le fait d'avoir commis un meurtre peut développer l'intelligence... »).
La manière dont cet individu, littéralement transcendé par son crime, retourne à son profit le système judiciaire, est à elle seule un monument de la subversion à l'écran. Braconnier s'y affiche au-delà de toutes les conventions morales, sociales, tout en apportant à sa mise en scène les touches de conclusion. L'acquittement va tellement de soi qu'il n'est pas nécessaire de nous le montrer, et Guitry peut s'offrir une spectaculaire ellipse pour passer, directement, de la salle d'audience au village où le criminel blanchi fait son retour triomphal.
Le rideau peut tomber sur le plus profondément ironique peut-être des films de Sacha Guitry. Sur une des plus fortes affirmations aussi du pouvoir de la mise en scène. Du générique, où il précise lui-même dans son éloge de Simon : « Car on ne m'empêchera pas d'appeler cela du théâtre », aux exclamations outrées du procureur criant à pure perte : « Ce n'est pas du théâtre, la justice ! », en passant par les jeux des enfants reconstituant l'affaire au fur et à mesure de son déroulement, ou par la tentative burlesque des commerçants du village demandant à un curé consterné de leur organiser un faux miracle pour attirer le client, les scènes se répondent autour d'un axe de pensée unique. Et dans lequel, au-delà du plaisir pris à chaque instant du film, se profile peut-être un autre procès : celui d'une société tellement bluffée par le spectaculaire qu'aucune de ses valeurs n'y résiste un tant soit peu..."
Extrait de "Sacha Guitry, cinéaste", Ed; Yellow Now et Festival International du Film de Locarno