"Avant de devenir le premier long métrage du studio Colorido, Le Mystère des Pingouins est avant tout un livre signé Tomihiko Morimi, qui a remporté, en 2010, le Grand Prix Nihon du meilleur roman de Science-Fiction. Cette histoire, initialement destinée à un lectorat composé de « jeunes adultes », fut remaniée pour toucher, en format animé, un public plus large, plus familial. Peut-être est-ce là le problème qui risque de troubler la réception du film, car si les personnages principaux, des enfants d’une petite dizaine d’années, aideront un jeune public à s’attacher à leurs aventures, le mystère très flou, qui se dénoue peu à peu, nécessite certainement un peu plus de recul que peuvent en avoir des spectateurs du même âge.
La maturité dont fait preuve le jeune Ayama fait néanmoins de lui un adorable modèle à suivre pour les enfants, qui se plairont à voir ce jeune garçon, bien plus intelligent que ses camarades, se lancer dans une véritable enquête scientifique. L’un des éléments qui en gênera assurément plus d’un est d’ailleurs lié à cette même maturité, puisqu’Ayama est assailli par les problématiques que tous les adolescents connaissent tôt ou tard en se découvrant fasciné par le corps du sexe opposé, et en particulier la poitrine généreuse de son assistante dentaire (que les nouveaux gardiens de la bienséance se rassurent : on reste bien loin de la grivoiserie d’un Nicky Larson et d’autres japanimations qui nous ont fait rire plus jeunes !).
Le jeune public auquel ce film s’adresse directement ne pourra qu’adorer le design très « kawaii » des nombreux pingouins, ainsi que le réalisme avec lequel sont croquées les relations entre les personnages de leur âge, et dans lesquels il se retrouvera facilement. Ici, contrairement à ce que l’on a l’habitude de voir, notamment chez Miyazaki, la part fantastique ne vient pas de l’imagination débordante des enfants, qui au contraire se montrent très stoïques, mais d’une adulte - cette fameuse assistante dentaire, décidemment source de bien des fantasmes. Il est dès lors difficile de savoir si les enfants essaieront, comme Ayama et ses copains, de comprendre le pourquoi du comment car ils risqueront d’être déconcertés par le manque d’explications fournies. Est-ce qu’ils seront désarçonnés par la complexité de celles qui sont évasivement données et qui concernent le déroulé de l’histoire, ou est-ce qu’ils se laisseront pleinement entraîner par celle-ci ?
Ce qui est certain, c’est que le rythme et l’humour dont le film fait preuve, et qui trouvent leur climax dans son dénouement, permettront aux spectateurs de tous âges d’apprécier cet étonnant récit initiatique, foisonnant de bonnes idées visuelles. De plus, on y retrouve cette poésie, aux relents animistes, propre aux dessins animés nippons, et que les amateurs sauront apprécier. Pour ce qui est des spectateurs les plus jeunes, ils pourront savourer une aventure, certes bien plus énigmatique qu’à l’accoutumée, mais dont émerge une dualité, assez bien traitée, entre la maturité des jeunes héros - qui se traduit par un attrait pour la science- et un imaginaire enfantin dans lequel on aime tous se retrouver."