Dans les années 1970, Rafa, jeune homme froid et déterminé, revient dans son village de bergers Wayuu, pour demander la main de sa cousine. L’oncle et la tante, les chefs du clan, lui réclament une dot énorme. Rafa se lance alors dans le commerce illicite de marijuana, à destination des touristes américains puis en exportation directe vers les Etats-Unis. Les affaires prennent de l’ampleur. Rafa renforce son pouvoir au sein du clan, devenu puissant grâce à lui. Mais Leonidas, petit-fils gâté et tête brûlée, commet un grave affront auprès d’un parrain voisin, patriarche d’une famille Wayuu rivale. De quoi déclencher une guerre entre les deux camps...
Premier rôle : José Acosta
Premier rôle : Carmiña Martínez
Second rôle : John Narvaez
Second rôle : Natalia Reyes
Second rôle : José Vicente
Second rôle : Juan Martinez
Second rôle : Greider Meza
Second rôle : Victor Montero
Réalisation : Ciro Guerra
Réalisation : Cristina Gallego
Scénario : Maria Camila Arias
Scénario : Jacques Toulemonde Vidal
Directeur de la photo : David Gallego
Son : Carlos García
Son : Claus Lynge
Musique originale : Leonardo Heiblum
Décors : Angélica Perea
- Date de sortie en salles : 10 avril 2019
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Espagnol
- Date de production : 2018
- Pays de production : Colombie
- Titre original : Pájaros de verano
proposé par :
partager
Critiques (3)
- Libération - Camille Nevers: Les Oiseaux de passageCette histoire ne se limite pas à égrener la vie, chronique anthropologique et liens claniques, familiaux, d’une succession de figures hautes en couleur, elle s’échine à transcrire scène à scène, crescendo, la légende de tout un peuple. Du simple topique pour touristes, du folklore indigène, le film s’élève au niveau supérieur, à la beauté des archétypes. Les plus viles créatures sont hissées à des dimensions fabuleuses, hiératiques, voyous bouffons à la dent d’or, mères magiciennes, messagers ou démons en Ray-Ban, gardes cerbères : destin et capitalisme, prospérité et mauvais augures, villa rococo au milieu de rien, du vent, décadence et prophéties, oiseaux et sauterelles, essaim des massacres, mort, mission civilisatrice et dressage à la barbarie, tragédie, psychédélisme… Voilà qui dessine la ligne sinueuse, folle, parcourue par le film. Chaque homme qu’on liquide fait sursauter, le bruit de la détonation est surpuissant.
Comme il y eut la revisite sous une forme antihéroïque, patibulaire, abâtardie, du western classique par le western spaghetti, il faudrait parler des Oiseaux de passage comme d’un «western indien» ou «chaman», mêlant ethnologie tribale - les Wayúu donc, vivant tout au nord de la Colombie, seule enclave amérindienne que les Espagnols jamais ne conquirent -, sortilèges, visions, présages et ultraviolence. Les messagers sacrés se relaient en palabres innombrables, marchandages infinis, dans la grande parentèle du narcotrafic. L’argent facile se planque en profanation des tombes des ancêtres, comme les fusils, nerfs de la guerre où tout implose fatalement. La poussière retourne à la poussière.
D’une âpreté belle via sa parfaite économie des moyens, sa mise en scène des grands espaces, ses cadres terriens, les Oiseaux de passage est de ces films qui ne se dévoilent pas au premier abord, qui «deviennent». Les plus beaux sans doute parce que les plus saisissants, ces films qu’on n’avait pas vu venir se déploient lentement.
- Le Monde - Jean-François Rauger: Les Oiseaux de passageLes premières images du film transportent le spectateur au centre d’une communauté wayuu, des Indiens de Colombie dont la vie et la compréhension du monde sont régies par un certain nombre de croyances et de rites destinés tout à la fois à donner du sens à celui-ci et à en assurer la cohérence. Une cérémonie dansée, installant un sentiment de transe et d’hallucination, destinée à fêter la sortie d’une jeune fille de son adolescence, inaugure un récit qui peu à peu va élargir le théâtre des événements.
L’histoire que conte Les Oiseaux de passage, que l’on devine être la genèse des cartels de la drogue en Colombie, s’étale sur deux décennies, du début des années 1970 à la fin des années 1980 ; soit la chronique de la création d’un nouveau monde et la destruction d’un ancien. La construction du récit en chapitres (de la naissance à la chute en, passant par la prospérité et la guerre) dessine une sorte de fatalité qui est aussi celle inscrite par les conventions d’un genre cinématographique, celui du film de gangsters dont est respecté la courbe dramatique.
Mais le film de Cristina Gallego et Ciro Guerra interroge par ailleurs cette fatalité, sans vouloir forcément la réduire à un déterminisme purement humain, en la confrontant aussi à une cosmogonie particulière. Le sujet du film n’est-il pas l’impossibilité de faire coïncider un ordre symbolique, celui qui guide la vie des Wayuu (dont le non-respect entraîne la destruction de fonctionnements ancestraux) avec celui défini par la compétition et l’avidité ?
Les Oiseaux de passage navigue ainsi entre la description d’un mécanisme fatal (nourri parfois de conventions un peu attendues comme le comportement de Leonidas, le fils de Rapayet, jeune chien fou qui va dérégler la machine du trafic de drogue) et celle d’un ordre secret, occulte, prodigieux et métaphysique, tout à la fois fragile et menaçant. L’on passe ainsi de la logique du récit criminel à celle de la fable, voire du conte teinté de surnaturel. Ce que la conclusion du film soulignera alors qu’une forme de chaos aura eu raison de l’équilibre initial. On peut penser au cinéma d’un Glauber Rocha, qui mêlait métaphore politique et fascination pour des rituels débarrassant le récit de tout naturalisme, le faisant irrésistiblement basculer dans une dimension magique.
- Culturopoing.com - Antoine Heraly: Les Oiseaux de passageLes Oiseaux de passage est le quatrième film de fiction de Ciro Guerra faisant suite au succès de l’Étreinte du serpent, cette fois-ci en coréalisation avec Cristina Gallego (productrice sur ses précédents films), et qui a fait l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs en 2018, au terme d’un tournage aux conditions météorologiques particulièrement difficiles. Le film met un coup de projecteur sur la trajectoire d’une tribu native américaine, les Wayuu, tout au long des années 1970, alors qu’explose l’exportation de marijuana vers l’Amérique du nord (une période appelée bonanza marimbera). Les “gringos” américains y voient une double aubaine : celle d’une célébration de la jouissance pour suivre leurs idoles hippies, mais aussi le système juteux d’un win-win avec une belle marge pour les intermédiaires occidentaux en bout de chaîne. Dans une des premières scènes, Moises, jeune Colombien fringuant, et Rapayet, un Wayuu en passe de devenir voyou, croisent un Américain en quête d’herbe pour ses vacances sur le littoral colombien. À la fin de l’échange, il leur distribue un tract : « dîtes non au communisme ». À partir de cet instant, prophétie tragique, le film va progressivement exposer chaque étape menant à l’économie de marché, et dont tous les ressorts vont s’implanter comme des verrues dans le paysage traditionnel des tribus natives à l’idéologie solidaire ancestrale.
L’esprit d’une grand-mère Wayuu se manifeste en rêves à Úrsula (interprétée par la très remarquable Carmiña Martínez), matriarche et cheffe de clan respectée dans la région, pour la mettre en garde. Divisé en cinq chants tel un poème épique, le film est un mariage arrangé de la tragédie et du western : la sensation d’enlisement irréversible à mesure que grossissent les enjeux financiers et que coule le sang croise celle des grandes traversées entre les plaines arides de la Guarija et les montagnes luxuriantes. Un film cahoté entre le conte et l’histoire de gangsters où se rencontrent les cérémonies rituelles pour les morts et les décollages en hélicoptères, les trocs de 4X4 et les confiscations de talismans sacrés.
Cristina Gallego et Ciro Guerra confient aux personnages féminins les clefs de la sagesse : ce sont les seules à écouter leurs intuitions, à essayer de tenir les hommes à l’écart de l’hubris et de leur avidité. Elles gèrent à la fois le commerce et la diplomatie. Le point commun avec la tragédie antique que le film développe jusqu’au bout est l’importance de la tradition orale ; notamment via le rôle inviolable des messagers entre les familles. La parole est respectée sous toutes ses acceptions. S’il n’y a plus de parole, il n’y a plus de tradition, mais aussi plus de confiance. À la moitié du film, dix ans s’écoulent. Depuis le fleurissement des cartels de la drogue, le commerce ne s’est jamais aussi bien porté pour la famille de Rapayet : les huttes se sont muées en luxueux duplex au milieu de rien, les filles vivent comme des princesses, les garçons comme des sultans. L’offense, elle, demeure intacte. Si les humains ne prennent pas la mesure de leurs actes, les dieux rectifieront le tir.
Les Oiseaux de passage laisse dans son sillage une réflexion spirituelle sur l’harmonie à l’épreuve de l’impérialisme, comme une fable d’autrefois. Une histoire allégorique, si l’on en croit les deux réalisateurs, qui peut s’appliquer à toute la Colombie et pas à une anecdote isolée de clan indigène ; « Une tragédie familiale qui devient une tragédie nationale ». Face à un séquençage et à une manière de filmer (notamment l’architecture) relativement carrés voire parfois rigides, à une direction de comédiens et une musique proches d’un traitement dramatique, on se relève lentement de la douce puissance de ce film, de sa délicatesse larvée, de l’étrangeté d’un héron qui enjambe silencieusement un cadavre.
vos avis (8)
Tout voir- Celine28 mai 2022
- BastienTA18 mai 2022
- LOUIS19 janvier 2022
- Gregory30 avril 2021
- Karine04 septembre 2020
- Lucien29 avril 2020pas vraiment aimé ! dommage très bien filmé, des idées mais donne une image des indiens de Colombie assez moche !
- Audrey06 mars 2020
- Jean-Paul13 novembre 2019