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M (Yolande Zauberman)

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5/5
4 notes
1H46Documentaire / ReligionIsraël
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«M» comme Menahem, enfant prodige à la voix d’or, abusé par des membres de sa communauté qui l’adulait. Quinze ans après il revient à la recherche des coupables, dans son quartier natal de Bnei Brak, capitale mondiale des Juifs ultra-orthodoxes. Mais c’est aussi le retour dans un monde qu’il a tant aimé, dans un chemin où la parole se libère… une réconciliation. Prix spécial du jury 2018 au festival de Locarno.

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Critiques (2)

Libération - Elisabeth Franck-Dumas: M (Yolande Zauberman)
"C’est la colère qui nous embarque d’abord, celle de Menahem Lang, palpable dès la première seconde. Torse nu sur une plage de Tel-Aviv la nuit, l’homme de 35 ans au visage de gamin entonne un chant yiddish, une histoire de rabbin et d’enfants récitant l’alphabet, sans que l’on devine pourquoi ses accents sont bouleversants. Et puis, comme s’il se battait avec la caméra - «un boxeur» dira la réalisatrice - il balance son histoire de «pornokid», de gamin violé par des hommes de sa communauté ultra-orthodoxe, dont son rabbin, lorsqu’il avait 9 ans. Sa rage semble avoir cramé sa vie entière ; elle le tisonne alors qu’on le suit, crâne rasé et poings dans les poches, revenant dans le quartier ultra-orthodoxe de Bnei Brak qu’il a fui à 20 ans.
Dans ces rues filmées de nuit, un peu inquiétantes, où passent furtivement des hommes en papillotes et chaussettes blanches de lords, Menahem va demander des comptes à l’un de ses violeurs, et tant qu’à faire, au moindre passant, au monde entier. Mais l’extraordinaire du documentaire de Yolande Zauberman, M,c’est que la vengeance se révèle rapidement une fausse piste, ce à quoi l’on assiste étant bien plus beau, et plus grand : une forme de réconciliation fabriquée par la grâce de la caméra et l’intelligence de la cinéaste.
Filmant un ballet de silhouettes sortant de l’ombre l’une après l’autre pour livrer des témoignages semblables, le film ne fait pas que mettre en lumière une pratique dont l’étendue, et sa connaissance tacite, ont de quoi effarer - «J e suis la bouche de cent enfants», dira Menahem. Car au milieu de ces hommes et au cœur de la nuit, dans un cimetière, au bain ou à la synagogue, l’incroyable sourire et les invectives de Menahem, la présence de la caméra et celle de Zauberman déclenchent d’ahurissantes confessions sur le sexe et le désir, la peur de devenir violeur, l’ambiguë recherche de tendresse auprès même des agresseurs. L’histoire de chacun, le plus souvent racontée en yiddish, fait remonter en pagaille l’histoire tragique d’un peuple autant que l’actualité la plus brûlante, qui dépasse de loin cette communauté-ci, dans une tentative de défaire une malédiction qui pourrait, peut-être, s’abattre sur les visages des enfants saisis au vol par Zauberman.
Comme par enchantement (mais «Zauber» ne veut-il pas dire magie ?) le film parvient à replacer Menahem au centre des siens, et par là Zauberman elle-même, l’autre passeur de cette histoire, dont le regard et les discrètes interventions sont une main tendue à notre attention. Au sortir du film, plus encore qu’au M de Fritz Lang, dont ce film-ci serait un miroir et l’exact contraire, c’est à la Reprise de Milo Rau, pièce documentaire fabriquée à partir d’un fait divers en Belgique, que l’on a pensé. Dans les deux cas, patiemment, prise après prise, théâtre et cinéma ont tenté de rabouter, de reprendre, au sens couturier du terme, des vies mises en lambeaux par un drame intime. La pièce de Milo Rau empruntait son titre à un essai de Kierkegaard, où le philosophe oppose la réminiscence (la volupté du souvenir, ou le ressassement) à la reprise, «ressouvenir en avant» qui vise «l’assurance bienheureuse de l’instant». Il semble que ses mots s’appliquent au très beau film de Yolande Zauberman : «Celui qui ne veut qu’espérer est lâche, celui qui ne veut que se souvenir est voluptueux ; mais celui qui veut la reprise est un homme.»"
La Croix - Céline Rouden: M (Yolande Zauberman)
"Menahem avec sa rage contenue, son grand sourire, sa foi intacte, et son insatiable besoin de parler nous entraîne dans la topographie de son malheur : l’immeuble où l’a emmené le rabbin qui l’a violé, le cimetière où ce dernier a abusé de centaines d’enfants, la synagogue « où l’on m’a taillé mes papillotes, où j’ai passé ma bar-mitsva, où je me suis marié, où j’ai divorcé. Là aussi où on m’a violé », et enfin le quartier où réside son dernier agresseur, responsable de la Yechivah où il étudiait le Talmud, qu’il interpelle bruyamment depuis la rue.
Ce faisant, il nous emmène à la découverte de cette communauté ultra-orthodoxe repliée sur elle-même, organisée en « dynasties » dirigées chacune par un Admor (un maître), où les enfants nombreux (sept à dix par famille) occupent une place centrale, où la sexualité est taboue, les mariages arrangés et où les différends se règlent devant le rabbin plutôt que devant la justice. Tourné majoritairement de nuit, filmant les visages en gros plan, le documentaire renforce cette atmosphère de huis clos étouffant dans lequel Menahem s’est retrouvé piégé.
On s’attend à une communauté austère, hostile, impénétrable, on découvre une ville bruyante, joyeuse, bavarde. Des hommes (les femmes sont quasiment absentes) qui acceptent d’écouter, d’engager le dialogue avec Menahem, de se confier sur les abus qu’ils ont eux-mêmes subi et leur hantise du Galgal (le cercle vicieux) par lequel les victimes se transforment à leur tour en bourreaux. « Avec Menahem, j’avance portant ma caméra comme le joueur de flûte, et les enfants blessés apparaissent par magie et nous suivent », commente la réalisatrice.
De cette libération spontanée de la parole, qui permet de mesurer avec effarement l’ampleur et la permanence des abus au sein de cette communauté, naît étrangement quelque chose de lumineux et de salvateur, notamment lors de l’émouvante séquence de retrouvailles avec ses parents. Une chaleur qui irradie tout le film et culmine lorsque Menahem, entouré des membres de son ancienne communauté, entonne spontanément un chant religieux comme en hommage à son innocence sacrifiée."

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