
Juin 1945. Nelly Lenz, rescapée d’Auschwitz, est gravement défigurée. Après une opération de reconstitution faciale, elle parcourt les décombres de Berlin à la recherche de son mari, Johnny. Mais ce dernier ne la reconnaît pas. Il lui propose de prendre l’identité de son épouse présumée morte afin de récupérer son héritage.
Premier rôle : Nina Hoss
Premier rôle : Ronald Zehrfeld
Premier rôle : Nina Kunzendorf
Premier rôle : Trystan Pütter
Second rôle : Michael Maertens
Second rôle : Imogen Kogge
Second rôle : Felix Römer
Second rôle : Uwe Preuss
Réalisation : Christian Petzold
Scénario : Christian Petzold
Scénario : Harun Farocki
Producteur : Florian Koerner von Gustorf
Producteur : Michael Weber
Directeur de la photo : Hans Fromm
Montage : Bettina Böhler
Musique originale : Stefan Will
Décors : Dominik Schleier
Costumes : Anette Guther
Auteur de l'oeuvre originale : Hubert Monteilhet
Producteur exécutif : Jacek Gaczkowski
Producteur exécutif : Piotr Strzelecki
- Date de sortie en salles : 09 mars 2015
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Allemand
- Date de production : 2015
- Pays de production : Allemagne
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Critiques (3)
- Télérama - Samuel Douhaire: Phoenix" Le cinéma de Christian Petzold est habité par les spectres, au sens propre (Yella, 2007) ou figuré (Fantômes, en 2005) (...)
Dans le huis clos de la cave insalubre qui sert d'appartement à Johannes débute une relecture vertigineuse du mythe de Pygmalion. Celle qu'avait déjà entreprise Hitchcock dans Vertigo (Sueurs froides). Comme le détective interprété par James Stewart, Johannes métamorphose une vivante en sosie d'une femme qu'il croit morte, sans savoir que la « copie » est « l'originale ». Il corrige les postures de sa Galatée, change sa coiffure, lui fait porter les habits chic de la Nelly d'avant. Un projet insensé ? Pas tant que ça : quand sa « créature » lui fait remarquer que personne ne croira revenue des camps une femme avec une robe de soirée rouge sur le dos, il lui répond que la sidération de la retrouver en vie sera plus forte. Et que personne ne lui posera de questions sur Auschwitz pour s'éviter l'effroi du souvenir...Phoenix se démarque toutefois de Vertigo sur deux points : Johannes n'est plus amoureux de la femme qu'il tente de recréer et qu'il a peut-être trahie. Quant à Nelly, elle rêve d'être démasquée, pour que son mari finisse par reconnaître derrière son nouveau visage celle qu'elle fut — et qu'elle croit être encore.
Pour porter ce suspense sentimental troublant, Petzold a repris le formidable duo deBarbara, son précédent (et déjà superbe) film. Ronald Zehrfeld et Nina Hoss jouaient un couple qui découvrait l'amour. Dans Phoenix, l'amour est déjà perdu... Lui impressionne autant par ses explosions de violence que par sa soudaine fragilité, quand son personnage est rattrapé par les émotions qu'il a refoulées. Elle exprime la résilience d'une femme meurtrie avec une intensité de tous les plans. Le réalisateur met en scène cette renaissance comme un récit surnaturel, à la manière de Jacques Tourneur, entre angoisse et mélancolie. Dans l'Allemagne d'après la catastrophe nazie, le fantastique naît du quotidien. Et Nelly, la revenante, devient plus incarnée, plus vivante que les vivants. " - Critikat.com - Eva Markovits: Phoenix" Dans Phoenix, Christian Petzold s’attaque avec finesse à un sujet des plus délicats : le retour à Berlin d’une déportée d’Auschwitz. Si le film ne porte pas un titre éponyme, comme Yella et Barbara, il développe encore une fois une figure centrale de son œuvre, celle de la survivante. Laissée pour morte dans les cendres d’Auschwitz, Nelly en émerge défigurée par une balle, et seule rescapée de sa famille. Elle doit alors avoir recours à une première transformation, une « reconstruction faciale » qui lui confère un nouveau visage, proche de celui qu’elle avait, mais pas tout à fait le même. Ancienne chanteuse, Nelly souhaite retrouver son mari pianiste, Johnny, et renouer avec sa vie d’antan. Une amie lui révèle alors qu’il aurait joué un rôle dans son arrestation par les nazis deux ans plus tôt, ce qu’elle nie. Lorsqu’elle retrouve enfin Johnny, celui-ci ne voit en elle qu’un sosie de sa femme qu’il croit morte aux camps, et voit là l’occasion de toucher son héritage : il lui propose alors de se faire passer pour elle, et contre toute attente, elle accepte sans lui révéler sa véritable identité. Il la transforme en son propre double dans un jeu vertigineux d’aveuglement et de duplicité mêlés.
Adapté du roman Le Retour des cendres de l’écrivain français Hubert Monteilhet dont une partie seulement de la trame narrative est reprise, le film brouille les pistes dès le départ. Commençant sur fond de jazz enfumé, le film semble emprunter le chemin du film noir lorgnant vers le film d’horreur avec quelques scènes qui évoquent les Yeux sans visage de Georges Franju, prend ensuite des allures de film historique pour enfin basculer dans le mélodrame qui donne finalement au film sa tonalité majeure.
En effet, le film se concentre rapidement sur la relation ambiguë entre les deux conjoints et l’aveuglement qui les sépare. Nombreux sont les plans en huis clos qui mettent en face à face les deux personnages qui se dévisagent, repoussant la vérité criante en détournant le regard. Le film reste pourtant tout en retenue à l’image du personnage de Nelly qui fait le choix du secret. Si le réalisateur n’a pas l’intention de faire un film historique sur le retour des camps, il cherche à évoquer par le biais de cette histoire d’amour impossible le traumatisme et le mutisme de l’Allemagne d’après-guerre vis-à-vis des camps. C’est en tirant sur les cordes subtiles du mélodrame que Petzold et son coscénariste Harun Farocki parviennent à faire accepter au spectateur ce qui pourrait passer pour des invraisemblances scénaristiques car le déni des deux personnages est tel qu’il frôle l’excès : comment Johnny ne peut-il pas reconnaître sa femme et comment Nelly peut-elle refuser de voir la trahison de son mari ? Johnny, en Pygmalion, la refaçonne à l’image de sa femme, planifiant les retrouvailles qu’il a à la fois refusées et fantasmées, exactement à la manière de Scottie avec le personnage de Madeleine/Judy dans Vertigo auquel Phoenix est également un hommage vibrant.
Par ailleurs, le réalisateur attache beaucoup d’importance à la trajectoire personnelle de Nelly qui représente la lutte des survivants pour retrouver goût à la vie. Défigurée, vidée (elle ne cesse de répéter « Je n’existe plus. »), elle refuse dans un premier temps d’accepter la monstruosité de la trahison de son mari. Puis en se réappropriant sa personnalité sous le regard aveugle de Johnny, Nelly redevient elle-même tout en s’émancipant. Dans le but de dépeindre cette vitalité, son corps est de tous les plans, la caméra suivant tout du long sa silhouette. D’abord à distance respectueuse et souvent de dos, puis captant à l’aide de gros plans toujours plus nombreux sa renaissance vers une féminité retrouvée et un avenir encore incertain. C’est son personnage qui apporte petit à petit de la couleur dans ce récit campé dans un Berlin d’après-guerre détruit et fade (qui apparaît peu car Petzold n’est pas dans la simple reconstitution historique). De blond délavé, Nelly (re)devient splendide brune. Depuis cinq films, Petzold poursuit ainsi son obsession avec le corps et le visage subtil de sa muse. La magnifique Nina Hoss incarne dans tous les sens du terme ce personnage, passant d’un corps défiguré, nerveux et fantomatique à une plénitude sensuelle retrouvée, culminant dans son chant du cygne et la reprise de la sublime chanson de Kurt Weill, « Speak Low », évoquant la fugacité de l’amour et clôturant avec un goût amer cette troublante histoire. Car si les cicatrices restent visibles, la fin ouverte du film laisse planer l’espoir de voir les générations futures briser cette cécité et regarder, même si la vue est un peu floue. " - Première - Eric Vernay: Phoenix" " L’amour est précieux et le temps un voleur ", nous dit " Speak Low ", l’entêtante ballade de Kurt Weill qui diffuse sa chaleur jazzy dans les angles raides de ce film glaçant. Comment retrouver ce qui a été volé, détruit par l’Holocauste ? L’héroïne a tout perdu dans les camps : sa ville, son amour et son identité. Il s’agit pour elle de renaître de ses cendres tel le phoenix du titre. De tout reconstruire, ou, à défaut, de "reconstituer" le passé, comme on reconstitue une scène de crime, tout en sachant que c’est factice, avec la vérité en ligne de mire. C’est un film d’espionnage : Nelly (troublante Nina Hoss, l’actrice fétiche de Petzold) infiltre sa propre vie, à la manière d’un agent secret, afin de découvrir si son mari l’a trahie. Mais c’est aussi un mélodrame hitchcockien. Comme dans "Sueurs froides", un homme cherche à redonner vie à une morte par le travestissement d’une femme qui l’aime. Les deux regards ne coïncidant désormais que dans le mensonge, c’est toute la tragédie de cet ex-couple dont la greffe, monstrueuse, ne prend pas. À l’instar de son héroïne tout droit sortie des Yeux sans visage de Franju, le réalisateur allemand traque la lumière dans l’obscurité, la beauté dans l’abjection. Son cauchemar domestique a la flamboyance plastique d’une oeuvre de Fassbinder. Ses plans ultracomposés façonnent le cadre étouffant d’un poignant portrait de femme en quête d’horizon. "
vos avis (4)
Tout voir- Pierre14 janvier 2025
- Guy01 janvier 2025
- Mahault05 octobre 2020
- DOMINIQUEFONTAINE06 avril 2020