Quand l'histoire fait dates

Episode XX - 26min : 33 Crucifixion de Jésus - Le temps chrétien est un temps orienté. Il commence avec la naissance du Christ, mais ce qui lui donne son sens - sa direction et son espérance - c’est la Crucifixion. C’est elle qui fait date dans une histoire chrétienne. La crucifixion de Jésus est peut-être pour les historiens l’indice le moins incertain de l’existence de Jésus. Pourquoi inventer une histoire pareille, si scandaleuse, si incroyable, si elle n’était pas vraie ? Le christianisme d’ailleurs, ce n’est rien d’autre que cela : faire date avec de l’incroyable. Episode XX - 52min : 24 septembre 622 - L’an 1 de L’Islam - Que sait-on vraiment de la naissance de l’Islam ? Comment se fait-il qu’en moins d'un siècle, une nouvelle spiritualité ait conquis un empire ? L’an 1 de l’Islam se fonde sur l’Hégire, le passage de Mahomet de la Mecque à Médine, qui marque un changement d’orientation majeur : c’est désormais vers ce nouveau lieu sacré que les croyants prieront, et non plus vers Jérusalem, marquée par les monothéismes dont l’Islam s’inspire et qu’il dépasse en même temps. Ce déplacement désigne désormais pour tout musulman ce qu’ailleurs on appelle conversion : le passage. Mais avant d’être un fait religieux, ce déplacement fût d’abord et avant tout un évènement militaire et politique. Faire l’histoire de cette date qui fit l’histoire, suppose de restituer la religion à son historicité. Replacée dans les grands enjeux territoriaux de la Péninsule arabique du VIe et VIIe siècle, l’Hégire apparaît comme un évènement politique majeur, entre Antiquité et Moyen Âge.

Episode XX - 26min : 13 juin -323 Mort d’Alexandre le Grand - Alexandre, mort à Babylone, a été le plus grand conquérant de l’histoire, le seul à avoir étendu un empire sur l’ensemble de l’Eurasie. Ce qui est arrivé jusqu’à nous, bien plus tard, est une vague puissante de récits bien plus forte que l’histoire, la légende d’Alexandre. Que faire d’une histoire qui est presque indissociable de son mythe ? Episode XX - 26min : 1492 - Un nouveau Monde - Officiellement, 1492, c’est l’année de la découverte des Amériques, la fin du Moyen-Age, et le début des Temps modernes. Mais il se pourrait bien que ce pied posé par Christophe Colomb sur une plage des Antilles un jour d’octobre, occulte une histoire bien plus complexe, une histoire qui commence en Andalousie, à Grenade, et qui colore la modernité occidentale d’une teinte un peu différente.

Episode XX - 26min : 20 juin 1789 - Le Serment du Jeu de Paume - Suspendu entre les doléances des Etats généraux du mois de mai et la prise de la Bastille en juillet, le Serment du Jeu de Paume, aurait tendance, par son abstraction, à faire oublier qu’il est le principal point de bascule, symbolique et juridique de la Révolution française. Chassés de leur lieu de réunion habituel, après s’être auto-proclamés « Assemblée nationale », les députés du Tiers-Etat et quelques membres de l’assemblée du clergé se réfugient dans une salle de sport, le Jeu de Paume. Ils jurent de ne plus se séparer « jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Ce pacte d’union, traditionnel dans ses formes, crée un précédent mais aussi un document, qui va devenir le procès-verbal de l’Assemblée et bientôt la nouvelle source de la loi, susceptible de faire contrepoids aux actes royaux. Deux ans plus tard, le peintre David immortalise la scène comme la naissance de la représentation nationale et le moment sacré d’union patriotique. Si la gravure devient célèbre, le tableau ne verra jamais le jour, car périmé par le cours de la Révolution elle-même après 1792. Image impossible d’une date de fondation, le serment du Jeu de Paume sera consacré comme date nationale, en parallèle à la fête nationale, un siècle plus tard avec l’enracinement de la République et la fossilisation de la salle elle-même, premier et principal « musée » de la Révolution française. Episode XX - 26min : 11 février 1990 - Libération de Nelson Mandela - « Je suis ici devant vous non pas comme un prophète mais comme votre humble serviteur » tels sont les premiers mots prononcés par Nelson Mandela à sa sortie de prison le 11 février 1990, devant les caméras, après 27 ans de captivité. L’événement est, d’emblée, de portée mondiale tant la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud était devenue une cause de mobilisation universelle. Mais comment concilier les temps du politique, les temps de la mémoire et les temps de la vie d’un homme ? Si la télévision tient une part essentielle dans la construction de l’évènement, il faut revenir aux origines historiques du régime de l’Apartheid, pour comprendre pourquoi il fut sans doute, depuis son instauration en 1948, le régime politique le plus détesté du monde. Mais selon l’esprit de la série qui consiste à épaissir le trait d’événements de longue durée, il faut remonter encore plus loin. Car ce que l’on voit depuis la cellule de Mandela, c’est la montagne de la Table dominant la baie du Cap, devenue dans l’esprit des partisans de l’ANC le symbole de l’espoir de leur libération. Or c’est au pied de cette montagne que la Compagnie néerlandaise des Indes orientales installa en 1652 un petit fortin, noyau initial de la première colonie de peuplement du continent africain. Première terre africaine à avoir été colonisée, l’Afrique du Sud est donc historiquement la dernière à être décolonisée. C’est donc bien cela qui fait date en 1990 : la fin d’une histoire coloniale aussi violente qu’elle fut longue. Mais est-ce vraiment la fin ?

Episode XX - 26min : Un jour de 79 - La destruction de Pompéi - L’éruption du Vésuve a figé la petite ville de Pompéi pour l’éternité. Jour tranquille, jour funeste, jour mémorable : la catastrophe révèle pour nous l’ordinaire des jours. Mais ne fait-on pas fausse route en cherchant à Pompéi la conservation miraculeuse du modèle d’une cité romaine ? En s’appuyant sur les apports récents de l’archéologie, le film restitue ainsi Pompéi dans une histoire plus longue et plus singulière, celle de l’auto-romanisation d’une cité indigène, loin d’une conception folklorisée des « jours heureux à Pompéi ». Tout reste encore à découvrir à Pompéi, et les archives du sol nous donnent aujourd’hui la chance de pouvoir dévoiler des nouveaux éléments d’une vie quotidienne saisie dans toute sa complexité. C’est ainsi que la trace de la restauration de la ville après le tremblement de terre de 62 apparaît dans la faille colmatée d’un édifice ; ou que l’empreinte d’une feuille d’automne sur une pierre ponce nous permet de reconsidérer une datation possible de l’éruption du Vésuve en automne… Le film nous fait traverser les constructions imaginaires que Pompéi a créées autour du monde antique et de la mort, en nous amenant au plus près de la réalité historique. Episode XX - 26min : 6 août 1945 - Hiroshima - Le premier bombardement atomique de l’histoire de l’humanité : peut-être 70 000 morts sur le coup, dans un éclair fulgurant qui marque le sol comme un flash photographique. Contrairement à ce que le discours officiel affirme, les Etats-Unis envisagent cette opération comme une expérience scientifique à grande échelle permettant aussi de pousser le Japon à la capitulation, afin d’éviter que celui-ci soit envahi par les Russes. La seconde guerre mondiale s’achève, le monde entre dans l’ère de la terreur nucléaire, et les rapports de force se déplacent : la Guerre froide est déjà là. En envisageant, au ras du sol les traces monumentales ou discrètes du cataclysme et la manière dont la vie a pu reprendre, le film montre comment Hiroshima est devenu le sanctuaire impossible et pourtant incontournable d’une contemporanéité blessée, meurtrie et interdite, face à la dévoration de l’Humanité par elle-même.

Episode XX - 26min : 1347 - La peste noire - En 1347, la grande peste débarque en Europe. En cinq ans, ce mal qui répand la terreur va décimer un tiers de la population européenne. L’épidémie, explosive ou endémique, s’installe pour quatre cent ans et s’éteint seulement en 1722 à Marseille, en 1839 à Istanbul. De cette catastrophe, la plus terrible que le Moyen-Age ait connu, nous n’avons que des traces indirectes. Car les textes contemporains se taisent le plus souvent sur l’épidémie elle-même — tout au plus en enregistrent-ils, incidemment, les effets. Tout se passe comme si les cadres sociaux étaient parvenus à amortir ce phénomène massif, qui conduisit portant selon les lieux à la disparition de plus de la moitié de la population. Le mécanisme réel de sa contagion est resté un mystère pendant plus de 500 ans. Après bien des controverses, et l’identification tardive du bacille par Alexandre Yersin, la puce du rat s’est imposée comme le vecteur majeur et latent de la peste grâce à la statistique archéo-zoologique. Alors même que les épidémies contemporaines effraient et signalent une fragilité inattendue d’un monde interconnecté et global, cette épidémie qui a dévasté l’ancien monde, parcourant les routes d’espaces déjà densément connectés, a été le marqueur d’une première mise en relation massive des espaces de l’Eurasie et du monde méditerranéen. Episode XX - 26min : 1431 - La chute d’Angkor - D’Ankgor, on ne voit aujourd’hui plus que des ruines, ou plus exactement la mise en scène de leur révélation. Il y eut ici une grande ville, et plus qu’une ville une grande civilisation, cette ville et cette civilisation ont disparu, furent oubliées, puis redécouvertes par les Européens. Avec la destruction de la capitale khmère, ce sont les grands équilibres de l’Asie du Sud-Est et de l’Insulinde qui sont bouleversés. Mais ce qui disparaît dans la jungle, et qui ne sera retrouvé par les explorateurs français qu’à la faveur de la colonisation de la seconde moitié du XIXe siècle, était déjà une ville mythique. La découverte fascinée des ruines d’Angkor distille des rêves de grandeur et des imaginaires de la ruine : on veut croire à la disparition d’une civilisation tout entière, à l’aune de ce qu’on imagine alors pour la disparition de l’Empire romain. Aussi surgit l’idée d’une « chute » en 1431, sur la base de récits très indirects, et plus encore tardifs. Et pourtant : nous ne savons pas de manière certaine ce qui s’est passé. Aucune source, aucune représentation ne permettent d’établir un récit juste, vérifié, prouvé, des événements.