Aurélien est charmant, mais il est tourmenté. Aurélien est volubile, mais il est solitaire. Aurélien se sent inadapté, mais il a tout compris. Aurélien est autiste. Filmé, il a délié sa parole, libérant un chant d'une intensité prodigieuse, un miroir tendu vers nous.
Premier rôle : Aurelien Deschamps
Réalisation : Diego Governatori
Scénario : Diego Governatori
Producteur : Michel Klein
Directeur de la photo : Diego Governatori
Montage : Diego Governatori
Son : Pierre Bariaud
- Date de sortie en salles : 09 octobre 2019
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Français
- Date de production : 2018
- Pays de production : France
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Critiques (2)
- avoir-alire.com - Benjamin Oppert: Quelle folie"Aurélien Deschamps est brillant, sensible, torturé, épuisé (et parfois épuisant). Au début du tournage (à vue), il y a en lui la tentation vaine du lâcher prise. Il alterne entre flots de paroles et flux saccadés, pour arriver jusqu’à nous. Jets d’émotions ou propos techniquement froids : il oscille entre ces deux dimensions, se rabattant sur l’une, quand l’autre est trop présente. Beaucoup de poésie, de l’humour et des phrases d’une beauté choc : « Je n’ai aucune continuité d’être. »
Dans un dialogue avec le réalisateur, Diego Governatori, se confrontent autisme vécu de l’intérieur et autisme observé, mais Aurélien nous fait aussi un cours (très pédagogique) sur les théories de Lacan (agrémenté de Flaubert, dont il est un spécialiste), plein de force, de violence, de colère intérieure inondée par une grande souffrance. Il synthétise et analyse à la fois, dans un exposé sur le sens de l’existence. Il nous parle de sa conscience d’être différent à l’âge de dix ans, de la sensation autistique d’avoir le corps complètement envahi par une douleur physique, alors qu’elle est très localisée. Puis c’est l’immersion en pleine feria de la San Fermin, à Pampelune, et son lâcher de taureaux. Parasitages sonores, foule monstre, tout le monde s’excite en blanc et rouge. Avec sa chemise noire, il reste les bras croisés. Les bruits de moteurs le rendent fou.La réalisation est très ingénieuse, agrémentée de symboles et d’images mécaniques, avec une touche psychédélique, pour une mise en scène du son et de ses effets. On voit le sujet et tout ce qu’il y a autour, making of inclus. A l’image d’Aurélien, on assiste à l’incompréhension du taureau qui engendre de la violence, exacerbée par les stimulations et les provocations. La quête perpétuelle de sens contraste avec l’absurdité de certaines traditions. Ca vaut vraiment le coup de s’acharner à vouloir ressembler à de telles personnes, sans autisme ? Aurélien balaye le débat d’un revers d’esprit : oui c’est vital pour pouvoir manger, boire, avoir une vie sexuelle, être humain. C’est un « calvaire d’être un autiste de haut niveau, les névrosés meurent du non-dit, les autistes du trop-dit ». Une quête qui lui semble vouée à l’échec, mais porte ses fruits sans qu’il s’en aperçoive. Toutefois, il ajoute que c’est « dur de ne pas en vouloir au système ».
Il y a souvent chez les autistes ce mélange d’innocence et de sarcasme bienveillant, quand ils parlent du fonctionnement des "sans autisme" qui, parce qu’ils sont les plus nombreux, ont imposé la norme. Il est tout aussi intéressant de regarder la lune que le doigt qui montre la lune. Il n’y a rien d’idiot à cela, quelle folie de le penser." - Libération - Marco Uzal: Quelle folie"Aurélien parle beaucoup face à la caméra mais, pour lui, la parole, l’expression des idées, l’enchaînement de mots qui les rend partageables est parfois comme un gouffre immense. A ses oreilles, les sons du monde peuvent être des agressions obsédantes, et la moindre douleur peut devenir incontrôlable, quitter un petit point pour s’étendre sur tout le corps. Aurélien a été diagnostiqué comme autiste par un psychiatre. Mais il y a beaucoup de formes et de degrés d’autisme, alors Quelle Folie est plus un portrait d’Aurélien qu’un film «sur» l’autisme. Un cas précis plutôt qu’une généralité sur une souffrance qui a été déclinée à toutes les sauces, y compris celle de l’idéalisation indécente qui voudrait en faire un don.
Sur ce point, Aurélien est intransigeant : l’autisme n’est pas «une culture» mais «une acculturation, au sens premier du terme», l’autiste «n’est pas un poète maudit dans son coin» mais quelqu’un qui, ne comprenant pas les systèmes symboliques, «fait n’importe quoi».
C’est une douleur, une dysfonction, une aberration qui l’éloigne des humains. Et s’il en naît parfois quelque chose de singulier, c’est que l’autiste aura su inventer un chemin inédit en faisant un long détour, au bout d’immenses efforts et de multiples échecs. Comme un aviateur inventant un looping faute de pouvoir utiliser le pilote automatique.
Si Aurélien analyse si intelligemment et lucidement son «handicap» (il tient à ce mot), c’est qu’il a fait un travail d’introspection remarquable. Il nous parle de l’autisme depuis l’intérieur, ce qui constitue en soi un bouleversant exploit. Et sa parole est proprement extraordinaire, jusqu’à tendre un dérangeant miroir à ladite normalité pour en révéler sa propre part d’aberration. Diego Governatori, dont c’est le premier long métrage après quelques courts remarqués, le connaît depuis une quinzaine d’années et c’est en ami qu’il le filme. Il ne se contente pas de recueillir sa parole, il la fait surgir, la relance, la provoque.
En cela, Quelle Folie ne cesse d’être une expérience au présent plus qu’un simple document. Le cinéaste a eu la bonne idée de ne pas filmer Aurélien chez lui mais dans un lieu «aux confins du réel», «l’envers de son petit théâtre solitaire et quotidien», comme il le dit bien, et pendant un événement qui pourrait faire écho ou contrepoint à son handicap : dans le labyrinthique Pampelune, pendant les fêtes de San Fermín, où se concentre une foule déchaînée. Dans de longues balades, Governatori scrute les réactions d’Aurélien, les signes de sa gêne ou de son hypersensibilité. Se permettant même, dans une dernière partie audacieuse, de traduire ses sensations et son malaise par le mixage et le montage, jusqu’à filmer sa pensée comme un taureau lâché dans les rues."
vos avis (6)
Tout voir- Florent12 mars 2022L’idée de départ est bonne : faire un film sur l'expérience particulière d’une personne autiste parmi tant d’autres. En effet, ça aurait peu de sens de faire un film sur « l’autisme » en général. Cependant la personne en question a un discours très cérébral (type France Culture à 2h du matin) et très philo-littéraire, ce qui, ajouté à une réalisation un peu expérimentale donne un film peu digeste à mon goût. Etant moi-même concerné par l’autisme, je me suis retrouvé dans certains points de vue, et le protagoniste a parfois de très belles images mais le film est globalement pesant. L’autisme est pour moi un univers incroyable, immense, avec des couleurs, des nuances… et des gens qui ont aussi des chemises à fleur! Pour un public non-averti ce film est à mon sens un très mauvaise entrée en matière, je recommanderais plutôt, par exemple, les conférences de Josef Shovanec facilement trouvables sur le net...
- Sandra23 juillet 2021Emouvant ! Mais la réalisation est parfois trop en avant...
- Lucile07 février 2021Puissant !
- 0000403097979107 janvier 2021Un film qui remet en question La norme, Les normes. C'est un film émouvant, éclairant et nécessaire !
- Xavier11 mars 2020
- BERNARD04 mars 2020Un film très courageux. Aucun mode d'emploi mais passé 5 minutes, on s'attache aux personnages (le réalisateur est l'interlocuteur du personnage principal) et on ne les quitte plus. De très beaux plans de la région de Pampelune et une sincérité qui décoiffe !