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08 SEPTEMBRE 2020

Abus de pouvoir - "Violences sexuelles dans le sport, l'enquête"

De plus en plus d’affaires de violences sexuelles éclaboussent le monde sportif. Dans une enquête alarmante, "Violences sexuelles dans le sport, l'enquête" Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac décrypte les mécanismes qui broient tant d’athlètes.

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Pourquoi assiste-t-on actuellement à autant de révélations sur les abus sexuels dans le sport ?

Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac : Les mentalités ont changé. Dans le monde occidental, le patriarcat est remis en cause et les violences sur les enfants, de plus en plus dénoncées. Le mouvement #MeToo a certainement délié les langues, même si beaucoup de victimes sont des hommes. Mais il y a aussi une question de génération. Ceux qui, dans les années 1980, ont été abusés ont aujourd’hui une cinquantaine d’années. Ils sont parents, et leurs enfants ont le même âge qu’eux lorsqu’ils ont subi ces violences. Certains aussi attendent que leurs propres parents décèdent pour parler, car ils ne veulent pas leur faire de mal. Autant de facteurs qui peuvent aider à libérer la parole et à en affronter les conséquences. Car raconter, c’est vivre à nouveau...

 

Ces violences ne sont-elles pas consubstantielles à la pratique du sport en club, régie par un rapport de domination entre l’entraîneur et le jeune ?

Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac : Le sport d’aujourd’hui est une machine à abuser du sportif. Selon une étude de 2015, 14 % des mineurs inscrits en club ont été agressés sexuellement. Si l’on veut changer quoi que ce soit, il faut prendre conscience des mécanismes qui favorisent ces dérives : une sacralisation de la personne de l’entraîneur, une trop grande proximité entre adultes et enfants, la réification du corps, la déresponsabilisation des parents, la mercantilisation des sportifs, ces pions auxquels on fait cracher les performances avant de les jeter, la puissance, aussi, des fédérations. Les agressions sexuelles participent des autres violences infligées à l’athlète – physiques, émotionnelles, psychologiques –, sans parler de l’homophobie et du racisme.

 

Le sport de haut niveau n’exacerbe-t-il pas les tentations ?

Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac : Un sportif de haut niveau sur trois serait victime d’abus. Je connais de nombreux cas chez les champions dont je respecte, bien entendu, le silence. Ce qui favorise les rapports de domination et les abus de pouvoir, c’est que l’athlète n’a pas le choix : s’il parle, il sait que sa carrière sera terminée. L’entraîneur ou le dirigeant a conscience d’avoir du pouvoir et peut donc être plus facilement tenté de passer à l’acte, même s’il est important d’affirmer que ce n’est pas un problème de pédophilie. L’enjeu n’est pas d’éliminer les brebis galeuses mais de réformer le système qui les engendre. Les fédérations peuvent perdre le sens des réalités, mais lorsqu’elles font prendre trop de risques aux enfants, ou lorsqu’ils sont maltraités, c’est à l’État d’agir. Il n’est pas acceptable qu’il ne se donne pas les moyens de les protéger.

 

 

Propos recueillis par Pascal Mouneyres