Oxana Shachko est une femme, une militante, une artiste. Adolescente, sa passion pour la peinture d’icônes la pousse à entrer au couvent, mais c’est au sein du mouvement Femen qu’elle met finalement à contribution son talent. Entre rage de créer et envie de changer le monde, elle devient co-fondatrice du fameux groupe d’opposantes féministes, qui l’amène de son Ukraine natale aux quatre coins de l’Europe. Avec « Je suis Femen », le réalisateur suisse Alain Margot dresse le portrait d’une personnalité envoûtante et multicolore - et révèle l’histoire de jeunes femmes courageuses qui se sont battues pour la liberté d’expression et la démocratie.

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Critique (1)

Cahiers du Cinéma - Stéphane Delorme: Je suis Femen
" Ne prenons pas les Femen pour des sottes ou des opportunistes. Le très bon documentaire du réalisateur suisse Alain Margot, Je suis Femen  vient éclairer le débat (...)
... en centrant l’enquête sur une figure moins connue, et pourtant fondatrice du mouvement, Oxana Shachko, il nous donne à comprendre en profondeur l’ambition Femen, et l’intelligence du mouvement.
Femen a été fondé en Ukraine au printemps 2008 par Anna Hutsol, Sasha Shevchenko et Oxana Shachko. C’est celle-ci qui a décidé la première de protester topless en août 2009, et qui a su convaincre ses camarades que c’était la bonne stratégie. Elle explique ainsi son geste dans le documentaire : « Les seins nus attirent l’attention et agitent les médias. » Et elle ajoute un plus instructif : «Le corps dénudé et le politique forment un montage explosif. »Oxana Shachko est artiste, elle trouve les costumes et les mises en scène, peint les slogans. Dans le film, on voit défiler des actions d’une audace folle où les jeunes filles se déguisent dans une forme de happening sauvage, d’attraction ou de théâtre urbain. Oxana Shashko se lève seule au milieu de centaines de supporters de foot pour dénoncer la prostitution de masse de l’Euro 2012, enjambe les grilles du zoo de Kiev peinturlurée de faux sang ou se rend devant le KGB avec deux activistes pour narguer le dictateur biélorusse avec des moustaches postiches (ce qui leur vaudra d’être kidnappées, arrosées d’essence et abandonnées dans une forêt).
Chaque fois l’action est électrique, exaltante et troublante. On apprend qu’Oxana Shachko peint des icônes (où figurent parfois des Femen), qu’adolescente elle a voulu entrer au couvent, et que la lecture de Marx lui a ouvert les yeux.
Art, religion, politique : montage explosif. Il y a là, c’est certain, un art de la dialectique qui échappe aux cases étroites dans lesquelles on enferme le mouvement depuis la France. Le choix des seins nus n’est pas qu’une arme de médiatisation, il va avec une idée mystique de la femme, de l’amazone, et c’est logiquement qu’Alain Margot cadre la jeune artiste au Louvre devant La Liberté guidant le peuple.
Le combat est né en Ukraine, a été mené en Russie et en Biélorussie. L’ambition est rien de moins que de faire tomber les dictateurs de la région : Oxana Shachko croit en l’efficacité de son combat. A travers elle on comprend ce mélange troublant de propositions esthétique et politique : faire tomber des dictateurs par des happenings. C’est du sérieux : elle a eu les deux poignets cassés en échappant aux agents secrets qui ont déposé des armes dans leurs locaux pour les accuser de terrorisme. Elle a été forcée de quitter l’Ukraine et de se réfugier en France.Mais là où le film est le plus fin, c’est qu’il adosse à ces actions esthético-politiques l’intimité de la jeune femme, qu’il garde les plans où elle se retourne vers le filmeur d’un air joueur ou complice, les moments où elle peint ou joue au modèle, où elle se dépêche d’enlever ses vêtements parce qu’elle n’a que quelques secondes pour faire son intervention. Et dans ces moments on voit la légèreté de la jeunesse, la grande part de jeu et de malice qu’il y a dans ces actions dangereuses menées avec une conviction infaillible.
C’est moins l’aspect guerrier ou sportif que certaines Femen mettent en avant aujourd’hui qui est émouvant, que ce mélange explosif de conviction et d’humour. Alain Margot a bien compris que ces petites scènes permettent en douce de dépasser la contradiction entre les deux visions des Femen : jeunes filles avides de se montrer ou radicales cinglées."

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