Snowden

Avec un sens de la romance et de la nuance, Oliver Stone nous mène à un réquisitoire en faveur de Snowden, mettant en scène de façon effroyable les dangers d’une société sans visage où l’œil de Big Brother se dissimule au cœur de votre chambre, même quand vous pensez avoir éteint votre ordinateur. Conteur avéré, le réalisateur de JFK pose le décor d’une dystopie par les moyens de communication, soudant le suspense par des scènes calibrées, où la catharsis par la révélation, ne résout pas le schmilblick, mais place la balle dans notre camp, invitant le spectateur citoyen à prendre position.
A la question simple, consistant à demander si Snowden le malingre est un traitre qui agit contre les intérêts de sa patrie, ou un héros qui a sacrifié sa liberté pour défendre des valeurs universelles, le biopic, qui soulève des peurs abyssales, offre une réponse édifiante, et à bien des égards passionnante. Snowden est donc une œuvre d’utilité publique qui devrait s’inviter dans les débats pour les prochaines présidentielles, américaines ou françaises, mais dont la thématique sera évidemment passée sous silence, dans la complaisance générale.

Plus encore qu'une plaidoirie ou qu'un pamphlet, "Snowden" est un portrait, une étude de personnalité comme les affectionne Oliver Stone, celle d'un jeune homme idéaliste qui finit par remettre en question l'autorité et le système. Si son parcours et ses dialogues évoquent irrésistiblement les héros de "J.F.K". et "Né un 4 juillet", Edward Snowden, lui, n'a rien de flamboyant. Loin de l'exubérance d'"Alexandre" ou la véhémence de "W", son film consacré à George W. Bush, Stone est ici contraint à la placidité. En fait de guerre et de sexe, du code et des algorithmes. En fait de passion, de la réflexion. Et ce n'est pas plus mal. Certes, le spectateur est clairement amené à prendre le parti du lanceur d'alerte. Mais au moins le fait-il au terme d'un raisonnement qui ne sera pas inutile au débat.

Biopic mainstream aux accents de thriller parano, souvent très divertissant (surtout quand Nicolas Cage vient passer une tête), parfois même assez touchant dans sa reconstitution du long processus psychologique et politique qui convainquit le jeune homme de « trahir » son pays (dans le rôle-titre, Joseph Gordon-Levitt est parfait, et poursuit après "The Walk" sa série de portraits d’idéalistes flamboyants), le film se regarde comme on lit un bon papier dans un newsmag. Bien écrit et bien sourcé. Au détour d’une scène d’une violence politique hallucinante (Snowden comparant les petits soldats de la NSA aux fonctionnaires zélés du IIIème Reich, devant un collègue médusé joué par le fils de Clint Eastwood), on sent qu’Oliver Stone aimerait aller plus loin.