
Jour après jour, tout au long de l’année scolaire 1992-1993, Mariana Otero a filmé les élèves d’un collège implanté au cœur d’une cité en banlieue parisienne. Dans les salles de cours ou le bureau du Principal, pendant les conseils de classe ou les conseils de discipline, quand tout va bien ou quand tout va mal, la réalisatrice a capté les moments ordinaires, exceptionnels ou dramatiques de la vie d’un collège. Âgés de 10 à 16 ans, les élèves découvrent avec le collège, ses règles et ses sanctions, un lieu de socialisation. D'abord diffusé sous forme de feuilleton par Arte, le film met ainsi en évidence la complexité des rapports que ces jeunes, issus pour la plupart de milieux en difficulté, entretiennent avec l’organisation de la société.
Réalisation : Mariana Otero
Scénario : Isabel Otero
Scénario : Jérôme Prieur
Producteur : Denis Freyd
Producteur : Périphérie
Directeur de la photo : Mariana Otero
Montage : Anne Weil
Son : Manuel Naudin
Musique originale : Hugues Le Bars
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Français
- Date de production : 1994
- Pays de production : France
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Critiques (6)
- Cahiers du Cinéma - Stéphane Bouquet: La Loi du collège" La réussite de Mariana Otero tient sans doute en partie à sa modestie. Elle n'a pas cherché une vision panoptique de l'établissement scolaire, qui aurait multiplié les points de vue (administration, profs, élèves) ou les sujets (pédagogie, discipline...). Elle s'est contentée -et c'est déjà beaucoup - de suivre une classe de quatrième technologique (censée conduire au BEP) dans sa révolte contre l’institution scolaire, et de filmer la réaction des profs et du proviseur face à ces élèves un peu plus que turbulents qui se débarrassent de leur mal-être comme ils peuvent.
En adoptant, pour ainsi dire, une stratégie d’ethnologue, en se retirant au maximum du jeu - raison pour laquelle ses interventions se résument à un commentaire off très peu abondant, rédigé a posteriori par Jérôme Prieur -, Mariana Otero a su faire oublier la caméra. Du coup, la vie scolaire est rendue à sa quotidienneté. sans que personne, ni profs ni élèves, cherche à se composer un masque pour l'occasion (...)
La Loi du collège n’est pas seulement un recueil d’anedoctes. même plaisantes. Chance ou art du montage (...), Mariana Otero a construit son feuilleton documentaire comme un film de fiction avec la lente montée de la tension (le premier trimestre), l'explosion attendue (le deuxième trimestre), la retombée et le dénouement (le troisième trimestre et les conseils de classe). On languit même entre les épisodes de savoir la suite
Cela commence donc avec de petits méfaits -chaise lancée sur le chien du concierge, vol d'un magnétoscope -, cela s'aggrave lentement et un garçon un peu (si peu) efféminé en est pour ses frais, puis la révolte (...) enfle encore et les professeurs finissent par recevoir des coups de pied, des pierres ou se faire cracher dessus. Face à la menace, les profs d’un côté, le proviseur de l'autre, s’organisent et passent à l'action. Je ne raconterai pas plus avant ce qui aurait pu être un film de Ford (comment imposer la loi r) et qui est, en fait, un beau documentaire, absolument véridique, sur la réalité scolaire dans les banlieues défavorisées." - Le Point - : La Loi du collègeL'un des meilleurs documentaires réalisés à ce jour sur la vie dans les collges “difficiles”.
- TéléCinéObs - Catherine Monroy: La Loi du collège" Des destins d’adolescents noyés dans une masse d’incidents et de tensions quotidiens : on a volé le magnétoscope, on a crache sur un prof, on a subtilisé une clef, on a lancé une chaise du troisième etage. Bref, la loi du collège a des allures de tribunal des flagrants délits : un univers de crise géré au jour le iour ; l’art, entre deux maux, de choisir le moindre. Subsiste le sentiment : d’impuissance, de manque de moyens. L'argent, ; bien sur, mais également des jeunes enseignants pas forcement taillés pour l'aventure en ZEP.
Une mise à nu du collège décapante mais tout en nuances qui resulte d'un énorme travail de préparation. Il a fallu un an de recherche pour dénicher l'établissement idoine et tomber sur un principal acceptant de se plier a la règle du jeu : la liberté de filmer pendant un an sans censure aucune. La plupart des dirigeants de collège étaient prêts a accepter le principe du tournage mais pas tous les jours, et encore moins si un problème venait a surgir...."
- Le Monde - : La Loi du collège" Trois ans de travail pour un feuilleton documentaire exceptionnel. Pas de commentaire, seulement la vie dans sa chronologie."
- Télérama - Agnès Bozon-Verduraz: La Loi du collège" Pourquoi un collège, pourquoi en banlieue ? Parce que le collège, qui accueille les eléves de la sixième à la troisième, est la zone de tempête du système scolaire, puisqu'il est chargé du sale boulot « orienter » les élèves. Et que la banlieue est à notre société ce que l'enfant a problèmes est à sa famille, le reflet grossissant de ses maux et de ses bourdes.
De septembre 1992 à juin 1993 donc, la réalisatrice s'est rendue au collège tous les matins, avec seulement un preneur de son. Ils disposaient d'un QG ouvert a tous, minuscule, mais situe à un point stratégique, a côté du bureau du principal, afin de savoir ce qui se tramait. Sentinelle bondissante mais discrète. Mariana a filmé, sans commentaires ni interviews, les acteurs en situation : en train d'enseigner, de chahuter, de sermonner, de sanctionner, d'étudier, de protester...
On n'apprend rien mais on redécouvre tout, dans La Loi du collège (...) Cette observation passionnée, tenace, sur [une année scolaire entière] met à nu les (dys)fonctionnements invisibles à force d'être entrés dans les moeurs : tous les ingrédients de cet "effet collège" dont s'étonnent nombre d'instits. « On a des mômes en CM2, pas forcément bons élèves, mais gentils, disent-ils. Et ensuite, on nous en donne des échos épouvantables du genre : ce sont des sauvages, ils ne fichent rien ».
Dès le premier épisode, le bruit vous saute à la gorge et ne vous lâche plus. même, surtout, dans les salles de classe. Les gamins chantonnent, ricanent, raclent les pieds, s'interpellent, tandis que, debout, le prof s'époumone. Un collège, on a tendance a l'oublier, c'est d'abord cinq cents corps pré-puberes en cage, six à sept heures par jour (...)
Les quatrièmes et troisièmes « techno » (qui sont au cœur de La Loi du collège) savent déjà qu'ils sont hors course dans la grande compète (leurs parents aussi, même lorsqu'ils sont analphabètes). Et pourtant, on ne leur propose que la poursuite d’une scolarité routinière dont ils ne voient pas le but. Là aussi, l'école en rajoute dans l’agression inconsciente que les potaches renvoient, chacun à leur manière. Abdel s'enfonce dans un désespoir muet. Mehdi dans une révolte bruyante...
Pourtant, parce que la vie est ce qu'elle est, entêtée. on trouve aussi de bons élèves a Garcia-Lorca qui font du latin et qui auront leur bac C. « Il suffit parfois d'un bon prof et d'une famille stable pour qu’un enfant réussisse », affirment Bernard Chariot et Jean-Yves Rochex, chercheurs en sciences de l'éducation a Paris-VIII. Ils soulignent l'extrême diversité des parcours scolaires (en banlieue et ailleurs), « d'un bâtiment à l'autre, d'un escalier à l'autre, d’une famille à l'autre, dans la même famille, selon la place dans la fratrie » (...)
Le principal résume son travail en trois cercles, stylo en main : « Dans le petit, vous avez le 1 % d'irrécupérables, dans le second, les 9% qui ont ce qu on appelle des problèmes de comportement. Et dans le grand cercle, les 90 % qui respectent les règles. » Ce qu'il nomme la majorité oubliée. « Je me bats pour faire passer les 9 % dans le grand cercle et surtout pour éviter qu'ils tombent dans le petit. C'est-à-dire la délinquance.
Est-ce pour cela qu'il a essuyé un tir de 22 long rifle, malmené son chien, brûlé son linge qui séchait ? Il dérange parce qu'il s'oppose, pied à pied, à la loi du plus fort, mais sans oublier jamais qu’il a affaire à des enfants. Quand il parle, on l’écoute, car il ose dire, d'une voix nette, ce qu'il croit.
On lui doit, dans le film, une scène à couper le souffle. Quand Duattis découvre que Victor est la tête de Turc de ses camarades, il affronte la classe, en plein cours : « il y a parmi vous des Noirs et des Blancs, des cheveux bruns et des cheveux blonds, des cheveux lisses et des cheveux crépus. » Suit une vibrante déclaration des droits de l’homme que, à l'instar des vingt-cinq petits durs de la troisième techno, le spectateur écoute sans moufter : « Le droit premier est de pouvoir être ce qu'on est. » Il y a du choc de valeurs dans l’air..."
- Libération - Basile Karlinsky: La Loi du collège" Mariana Otero (...) n'a pas lésiné à l'ouvrage. Tout au long de l’année scolaire 1992-1993 elle a filmé chaque jour la vie des élèves et des profs du collège Garcia-Lorca dans le quartier des Francs-Moisins à Saint-Denis. Ce temps était nécessaire pour que chaque événement retenu au montage s'insère à sa juste place dans la trame d’un an de vie du collège; pour que chaque élève et chaque prof deviennent de véritables personnages d'un récit qui les dévoile dans vingt situations différentes dont l'ensemble donne la radiographie de ce collège de banlieue à problèmes.
C'est le lieu où deux lois s'affrontent. Celle, sage, écrite et citoyenne que le collège s'efforce de surimposer à la loi orale, sauvage, de la cité des Francs-Moisins, qui puise ses modèles chez les Rambo et les petits coqs teigneux de série B. Chaque classe en compte quelques-uns, et les classes-dépotoirs, dites-technologiques, une demi-douzaine. Des leaders qui imposent au reste de la classe la loi de la cité et l'opposent au prof.
Face à cette loi, ces saints laïques d'enseignants font la part du jeu : ils tolèrent le désordre, le bruit, l’impertinence, voire les insultes et les menaces (...)
Le film montre les luttes vaines où les enseignants s'épuisent en grèves, démarches, ou supplications auprès de l'inspection d'académie pour avoir trois pions et deux profs de plus, sans lesquels leur collège ne serait plus un établissement d'enseignement mais plutôt une garderie à seule fin de préserver les enfants de l'école de la rue. Et, pourtant, ce collège tourne. C'est sans doute Bernard Douattis, le (remarquable) principal qui réussit à maintenir le collège la tête hors de l'eau. Il sait désarmer efficacement la violence lorsqu'elle monte trop haut.
Un rayon de soleil dans ce sombre tableau. Le film montre les effets d'une discipline qui est quand même capable de remiser au vestiaire les couteaux de la guérilla : la musique. Elle apporte aussi la preuve, qu'à condition d’abandonner la pédagogie issue de la France de Jules Ferry, une nouvelle approche de l’enseignement pourrait être trouvée pour les nouveaux collégiens des banlieues dures."