Prospero's books
2H09Cinéma / Culte & Classique
Prospero, ex-duc de Milan en exil sur une île, trouve dans ses livres magiques le moyen de sa vengeance. Las, voilà que sa fille et le fils de son pire ennemi tombent amoureux. "La Tempête" de Shakespeare revisitée par le plus picturaliste des cinéastes britanniques. Musique, littérature, peinture, video... dans "Prospero's Books" l'expérimentation et l'interaction entre les arts produit un film sans comparaison.
Premier rôle : John Gielgud
Premier rôle : Michael Clark
Premier rôle : Erland Josephson
Premier rôle : Michel Blanc
Second rôle : Isabelle Pasco
Second rôle : Tom Bell
Second rôle : Mark Rylance
Second rôle : James Thiérrée
Second rôle : Ute Lemper
Réalisation : Peter Greenaway
Scénario : Peter Greenaway
Producteur : Masato Hara
Producteur : Denis Wigman
Producteur : Michel Seydoux
Producteur : Kees Kasander
Producteur : Philippe Carcassonne
Directeur de la photo : Sacha Vierny
Montage : Marina Bodbijl
Musique originale : Michael Nyman
Décors : Jan Roelfs
Auteur de l'oeuvre originale : William Shakespeare
Chorégraphie : Karine Saporta
- Date de sortie en salles : 02 octobre 1991
- Type de film : Long métrage
- Couleur : Couleur
- Langue : Anglais
- Date de production : 1991
- Pays de production : France
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Bonus vidéos et article
Peter Greenaway (dé)masquéShakespeare, la peinture, la video, la musique, la danse... Dans Prospero's Books, la profusion de références qui éclate sur l'écran pourrait égarer le spectateur. A moins que celui-ci ne devienne un peu plus exigeant, à l'image du cinéaste. Dans un article paru en 1997 dans la revue Tausend Augen, Gilles Maury rappelle l'importance des "masques", forme ancienne de réjouissance qui, depuis le XVIe siècle, entament un imaginaire dialogue avec les expériences modernes de Greenaway.
Peter Greenaway : Un triple hommage, musical, à Prospero, Shakespeare et John Gielgud.En adaptant La Tempête de Shakespeare, l'auteur du Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant rend un hommage foisonnant et complexe au dramaturge et à son interprète le plus enragé, Sir John Gielgud, qui, tout au long de sa carrière joua de nombreuses fois le rôle de Prospero et rêvait de l'immortaliser sur pellicule...
Critiques (2)
Positif - Alain Masson: Prospero's books
" Dédaignant le type d’arguments déjà traités par l’auteur, dont on retrouve (…) quelques préoccupations, jeux de l’art et du pouvoir ou maîtrise du monde et de ses images, il repose sur des paris étranges, contradictoires. Le premier consiste à donner une version cinématographique de La Tempête sans que cette pièce soit le moins du monde jouée, ni même représentée.
Seconde gageure : une diction évocatrice doit mettre en œuvre le texte de Shakespeare de telle manière que son énonciation passe pour l’invention de tous les rôles par un personnage unique, qui devient son propre auteur, et pour la réalisation imaginaire de la fable qu’il se conte. Les livres de Prospero comprennent donc les grimoires dont ce protagoniste nourrit sa rêverie, les traités de magie qui lui permettent d’y établir sa souveraineté et les pages encore blanches ou déjà écrites de la pièce elle-même. Chacun des deux principes de ce traitement a son paradoxe; ils tendent ensemble à leur résolution mutuelle, mais aussi à leur suppression réciproque.
Critique, négateur, abstracteur de forme, bref : moderne, le parti que prend le metteur en scène de renoncer à toute scène, qu’il s’agisse d’une unité dramatique ou d’un lieu propice à la représentation des personnages, aboutit à un surgissement incessant de mouvements, de parages, de figures, à une rhétorique exubérante et somptueuse. Si ce procédé contredit la pensée minimaliste qui le supporte, il contribue à accomplir l’idée, certainement baroque, qui détermine la seconde gageure. Cette dernière veut matérialiser les chimères d’une littérature en confondant la fable, la magie, la duperie et la théâtralité, comme le fera Corneille dans L'Illusion comique.
C’est peut-être une lecture un peu restrictive de Shakespeare, mais surtout, résumant au texte le pouvoir créateur de Prospero et du théâtre, cela ramène la manifestation artistique à la récitation; nette, sobre, maîtrisée, nuancée, la voix allègre et sereine de John Gielgud profère sans hésiter, inventant et prenant ou reprenant tous les rôles ce qui doit tenir lieu de spectacle, la littéralité même du discours, l’écran se couvrant parfois d’une écriture dont les élans, les flèches et les écrasements décident de la fiction. Ainsi l’art illusionniste reste-t-il prisonnier de sa matière : l’élégante plénitude du discours, imperturbable et nue, réglée, monotone, prend une tournure formaliste, celle d’une très moderne lecture-écriture mais ne produit pas la moindre illusion (…)
Le libre jeu de la fable et de la réflexion s’exprimait dans ses films précédents, au moins depuis The Falls (1980), par des constructions humoristiques et vigoureuses. Cette liberté lui étant cette fois interdite, il aura voulu s’alléger de son Shakespeare, d’un coup, en le réduisant à sa lettre. Mais l’homme ne se laisse pas oublier et le théâtre reviendra sur l’écran, non sans froideur, au cinquième acte. Après tout, le dispositif était-il si ingénieux ? Si ce ne sont que chimères qu’on propose comme telles à notre regard, quelle émotion recèlent encore des expressions comme «ce cortège sans substance s’est évanoui» et “nous sommes de l’étoffe dont on fait les rêves» ?
Pour nous toucher, ne doivent- elles pas, énoncées par un être fictif, sortir pourtant d’une bouche charnelle ? "
Seconde gageure : une diction évocatrice doit mettre en œuvre le texte de Shakespeare de telle manière que son énonciation passe pour l’invention de tous les rôles par un personnage unique, qui devient son propre auteur, et pour la réalisation imaginaire de la fable qu’il se conte. Les livres de Prospero comprennent donc les grimoires dont ce protagoniste nourrit sa rêverie, les traités de magie qui lui permettent d’y établir sa souveraineté et les pages encore blanches ou déjà écrites de la pièce elle-même. Chacun des deux principes de ce traitement a son paradoxe; ils tendent ensemble à leur résolution mutuelle, mais aussi à leur suppression réciproque.
Critique, négateur, abstracteur de forme, bref : moderne, le parti que prend le metteur en scène de renoncer à toute scène, qu’il s’agisse d’une unité dramatique ou d’un lieu propice à la représentation des personnages, aboutit à un surgissement incessant de mouvements, de parages, de figures, à une rhétorique exubérante et somptueuse. Si ce procédé contredit la pensée minimaliste qui le supporte, il contribue à accomplir l’idée, certainement baroque, qui détermine la seconde gageure. Cette dernière veut matérialiser les chimères d’une littérature en confondant la fable, la magie, la duperie et la théâtralité, comme le fera Corneille dans L'Illusion comique.
C’est peut-être une lecture un peu restrictive de Shakespeare, mais surtout, résumant au texte le pouvoir créateur de Prospero et du théâtre, cela ramène la manifestation artistique à la récitation; nette, sobre, maîtrisée, nuancée, la voix allègre et sereine de John Gielgud profère sans hésiter, inventant et prenant ou reprenant tous les rôles ce qui doit tenir lieu de spectacle, la littéralité même du discours, l’écran se couvrant parfois d’une écriture dont les élans, les flèches et les écrasements décident de la fiction. Ainsi l’art illusionniste reste-t-il prisonnier de sa matière : l’élégante plénitude du discours, imperturbable et nue, réglée, monotone, prend une tournure formaliste, celle d’une très moderne lecture-écriture mais ne produit pas la moindre illusion (…)
Le libre jeu de la fable et de la réflexion s’exprimait dans ses films précédents, au moins depuis The Falls (1980), par des constructions humoristiques et vigoureuses. Cette liberté lui étant cette fois interdite, il aura voulu s’alléger de son Shakespeare, d’un coup, en le réduisant à sa lettre. Mais l’homme ne se laisse pas oublier et le théâtre reviendra sur l’écran, non sans froideur, au cinquième acte. Après tout, le dispositif était-il si ingénieux ? Si ce ne sont que chimères qu’on propose comme telles à notre regard, quelle émotion recèlent encore des expressions comme «ce cortège sans substance s’est évanoui» et “nous sommes de l’étoffe dont on fait les rêves» ?
Pour nous toucher, ne doivent- elles pas, énoncées par un être fictif, sortir pourtant d’une bouche charnelle ? "
Cinéma - Hervé Beaumond: Prospero's books
Prospero’s Books pose d’emblée le problème de l’essoufflement d’un parti-pris, à moins qu’il ne s’agisse de son dérèglement. Prospero, chassé de Milan se retrouve sur une île en compagnie de sa fille et d’une pile de livres. Il ourdit une vengeance et conçoit un drame dans lequel il manipule ses ennemis. Ceux-ci existent sous nos yeux, agissant selon l’imaginaire de Prospero, si bien que rêve et réalité se mélangent. A un moment, lors du retournement propre à la tragédie, ils s’animent. Or, tout ceci étant consigné dans des livres, Greenaway nous balance des images dans les images, comme des extraits d’extraits.
On le voit, ça se complique tellement, que le spectateur ne sait jamais qui fait quoi. Et encore moins reconnaît La Tempête de Shakespeare. On sent bien, furtivement, que Greenaway parle du seul thème qui l’ait jamais intéressé : la création, que symbolise ici Prospero le démiurge. Mais un tel imbroglio de l’histoire dans l'histoire, de vrais-faux personnages qui se manipulent, s’intègre dans un système visuel tellement rationalisé (avec de remarquables effets à la paint-box) qu’il devient impossible d’en détenir les règles. Jeu de miroirs narratifs et esthétiques (avec parfois de vrais miroirs et des écrans dans l’écran qui masquent le filmé pour mieux découvrir l’imaginable filmé).
Prospero’s Books devient un système délirant, certes, mais totalement incontrôlé. Devant ce débordement, deux solutions s’imposent : accepter de plonger dans un runaway visuel incompréhensible ou refuser au nom d’un minimum d’intelligibilité. Malgré la prestation de John Gielgud, qui réalise là un vieux rêve d’acteur shakespearien, Prospero’s Books montre les limites du système Greenaway dans un film qui s’emballe à n’en plus finir, victime de parti-pris trop énervants. Cinéaste hyperdoué, Peter Greenaway serait-il sur le point de périr par là où il a pêché ? Celui de faire des films qu’on ne pourrait comprendre qu’avec l’appui d’un dossier de presse de 50 pages. "
On le voit, ça se complique tellement, que le spectateur ne sait jamais qui fait quoi. Et encore moins reconnaît La Tempête de Shakespeare. On sent bien, furtivement, que Greenaway parle du seul thème qui l’ait jamais intéressé : la création, que symbolise ici Prospero le démiurge. Mais un tel imbroglio de l’histoire dans l'histoire, de vrais-faux personnages qui se manipulent, s’intègre dans un système visuel tellement rationalisé (avec de remarquables effets à la paint-box) qu’il devient impossible d’en détenir les règles. Jeu de miroirs narratifs et esthétiques (avec parfois de vrais miroirs et des écrans dans l’écran qui masquent le filmé pour mieux découvrir l’imaginable filmé).
Prospero’s Books devient un système délirant, certes, mais totalement incontrôlé. Devant ce débordement, deux solutions s’imposent : accepter de plonger dans un runaway visuel incompréhensible ou refuser au nom d’un minimum d’intelligibilité. Malgré la prestation de John Gielgud, qui réalise là un vieux rêve d’acteur shakespearien, Prospero’s Books montre les limites du système Greenaway dans un film qui s’emballe à n’en plus finir, victime de parti-pris trop énervants. Cinéaste hyperdoué, Peter Greenaway serait-il sur le point de périr par là où il a pêché ? Celui de faire des films qu’on ne pourrait comprendre qu’avec l’appui d’un dossier de presse de 50 pages. "