Ahmed et Farah se croisent à la Sorbonne. Entre livres et intuitions poétiques, un lien se tisse mais leur attirance ne tient qu’à un fil, celui tendu par les récits poétiques des maîtres d’orient. Tandis que Farah se donne, Ahmed se fuit. Leur rencontre est pourtant inévitable…
Par les temps qui courent (mal), quoi de plus emballant qu’un film qui confie littérature et poésie à deux étudiant(e)s, l’un français d’origine algérienne, l’autre tunisienne venue étudiée à la Sorbonne, un de nos panthéons universitaire. Mais si les débats et cours se font avec des mots et des rimes, ils interrogent aussi nos racines et nos préjugés. Leyla Bouzid réussit à merveille à conjuguer les études, le désir, le vrai, celui des êtres et les racines, souvent oubliés. Ainsi la poésie du désir, chère aux poètes orientaux du XVème siècle que découvrent Farah et Ahmed, qui appelle la chair et la sensualité. Justement Ahmed est submergé par le désir mais comme les célèbres et célébrés poètes, ne parvient à lui donner corps. Joliment interprété par Sami Outalbali, Ahmed est peut-être prisonnier d’idées préconçues qui collent aux bétons des cités, mais plus surement, a peur d’être emporté par les sentiments amoureux. En face, Farha, Zbeida Belhajamor très juste elle aussi, a l’art de la patience et des questions qui font mouche. On suit avec envie l’apprentissage du jeune homme qui par la magie d’un exposé en classe, un exercice qu’il redoute par-dessous tout, libère sa passion et l’écrit en toute lettre. Pas de cours magistraux sur la cité ni de dealers aux portes des immeubles, mais des bandes de garçon qui entre glandes et provocations, nous rappellent que la jeunesse peut être aussi ennuyeuse. La réalisatrice donne « corps » à l’amour à travers doutes et caresses, l’ensemble filmé de manière à provoquer l’émoi et l’émotion. C’est le cinéma qu’on aime, à la fois ambitieux et si commun, dans le sens où il interroge notre rapport au désir.
Poe aurait sans doute aimé voir ce film, lui qui aimait tant lire entre les lignes de sa vie.